Merci et bonne lecture,

Hé si tu aimes pas, tu aimes pas.
C’est pas grave !

File-le à une amie ou à un pote,
Peut-être ça va lui plaire.

 

Je te propose ce texte ; tu as le droit de ne pas aimer, de le critiquer franchement, voire de le détester.
Arrête de lire si ça ne te plaît pas, lis-le seulement si tu en as envie.
Le plus important, participe si tu veux, partage tes retours, améliore, modifie = on contribue au projet ensemble.
Le texte est OPEN SOURCE est libre de droit.
Pour aider, les mots complexes ou inventés sont des liens cliquables.
[ VERSION LONGUE DE TOUTES CES EXPLICATIONS ]

NOTE PERSO !

  1. J’aime bien les « blocs » compact à la lecture : goût personnel.
    Traduction ; j’ai tendance à faire des phrases sans retour à la ligne, tu peux ne pas aimer — dis le moi si ça te dérange.
  2. Si tu as lu la version LONGUE de présentation, le texte initial est en version 0.0.0.80 et des poussières. ( triple zéro )
    Traduction ; le texte évolue, va évoluer et évoluera…

Version Actuelle : V 0.1

Mon Univers Aquatique : Fusion entre Science, Âme et Magie

Je partage avec toi le projet ; une nouvelle de science-fiction qui se déroule dans un monde imaginaire entièrement aquatique, profondément immergé sous les eaux.

Cet univers singulier repose sur une fusion entre une technologie futuriste avancée et une magie profondément intégrée.

Le plus important pour toi lecteur :
C’est un projet collectif, open source et libre.
Participe, modifie, améliore : tu peux l’aimer, le critiquer ou le détester.
Lis-le seulement si tu en as envie.

Change des choses si tu préfères, partages avec des amis pour leur faire découvrir ta version à toi …

Je t’en dis plus :

🔬 L’Inversion Logique des Disciplines

L’originalité de mon univers réside dans une inversion thématique fondamentale :

  • J’ai choisi de traiter la science comme étant empreinte de spiritualité, d’âme et de sens — elle est vivante, presque sacrée.
  • Inversement, la magie, la sorcellerie et l’alchimie sont abordées comme de véritables disciplines scientifiques rigoureuses, de « sciences dures ».
    Les sorts fonctionnent comme des algorithmes, et les potions magiques sont conçues comme des cocktails chimiques complexes, dosés avec une précision quasi-laborantine.

🌊 Un Monde Organique et Symbiotique

L’architecture de ce monde est organique et vivante, souvent façonnée directement par la magie.
On y trouve des symbioses fascinantes entre le vivant et la machine — comme des escaliers ou des ascenseurs « vivants » — qui incarnent l’harmonie entre nature, technologie et mystère.
J’ai également développé un lexique original de termes inventés, chacun accessible via des hyperliens vers un site dédié pour en expliquer le sens, l’étymologie et leur rôle narratif.

🤝 Les Trois Races en Harmonie

Trois races coexistent en paix, harmonie et coopération, entretenant des interactions sociales, culturelles et affectives profondes, y compris des relations amoureuses, bien que la reproduction inter-espèces soit biologiquement impossible :

  1. Les Organiques

Des humanoïdes aquatiques dotés de branchies.
Leur apparence précise (nombre de doigts, proportions, etc.) reste volontairement floue, pour préserver une part de mystère.

Leur puissance magique est limitée :

  • Moyenne inférieure à 500,
  • Les plus puissants atteignent environ 1 000,
  • Aucun n’a jamais dépassé 10 000, même avec l’aide de potions puissantes.
  1. Les Mécaniques

‘Robots’ humanoïdes, légèrement plus grands, capables de se reproduire selon un processus mystérieux.

  • Leur puissance magique moyenne se situe entre 200 000 et 300 000.
  • Les héros exceptionnels atteignent 800 000, et lors de la Grande Guerre, certains ont dépassé le million, sans jamais franchir les 4 millions.
  1. Les Virtuels

De gigantesques intelligences organiques et cybernétiques, véritables ordinateurs-cerveaux vivants, dirigent leurs cités depuis un cœur central.
Ils peuvent s’accoupler et se reproduire entre eux, et possèdent une puissance magique colossale :

  • Les “bébés” dépassent 100 000,
  • Les adultes ont une capacité minimale de 50 millions,
  • Leur moyenne se situe entre 150 et 300 millions,
  • Les plus puissants atteignent 600 millions,
  • Et lors de la Grande Guerre, certains ont frôlé le milliard (~900 millions) sans jamais le dépasser.

⚖️ La Magie : Une Répartition Non Linéaire

La magie est répartie de manière profondément inégale et non linéaire, créant des écarts vertigineux qui reflètent la nature propre de chaque race.
Pourtant, ces différences n’engendrent ni domination ni conflit : elles fondent au contraire une société interconnectée, stable et riche, bâtie sur la coopération, la symbiose et le respect mutuel.

🌠 Un Équilibre entre Science, Spiritualité et Vie

Dans ce monde, science, magie et spiritualité s’entrelacent en une unité vivante.

La science y est une quête de sens, la magie une forme de rigueur, et la connaissance devient une manifestation de l’âme.

Ainsi, ce monde aquatique est une allégorie d’équilibre :
où le vivant et la machine fusionnent,
où l’harmonie naît de la diversité,
et où la connaissance devient un acte spirituel.

Voilà le cadre général de mon projet :

Un univers aquatique, organique, mystique et physique, où la science est remplie de spiritualité, où la magie s’étudie avec rigueur, et où le vivant et la machine s’unissent dans une danse subtile entre raison et transcendance.

C’est un monde d’équilibre et de sens, où la connaissance elle-même devient une forme d’âme —entre science, âme et magie — où l’harmonie naît non malgré la diversité, mais grâce à elle.

Et pour toi la possibilité de modifier le texte,

Ça nous arrive souvent quand on lit, de nous dire :
« moi je l’aurai pas écrit comme ça » 

ICI tu peux ! 

Fais-le, tu coupes, tu supprimes et tu réécris comme toi tu le veux.

Il était une fois sous l'eau...

« Il était une fois sous l’eau… »

Tudidu tudidu tudidu… Le regard vide, absent sur le logo ; un téléphone barré. Rémi exaspéré, se retourne et dévisage celui qui décroche son portable. Ce n’est visiblement pas un simple pictogramme rayé en rouge qui va changer grand-chose à l’incivilité. Irrité, il continue sa course pour rejoindre son siège et passe cette voiture pour rejoindre la sienne ; pourtant il y a bien un être humain qui le dit au départ et à chaque gare ; « Vous êtes invités à passer vos appels depuis les plateformes ». La consigne n’est pas facile à respecter… pourtant …

 

Rémi arrive à son wagon. Il fait frais dans la voiture, le soleil darde les passagers de droite et un peu le couloir. Les sièges sont gris et verts, le pictogramme interdiction de fumer bien visible, lui aussi. Il enjambe aux premiers rangs un gamin accroupi, absorbé par ses jouets à la mode, des étranges hommes poissons aux couleurs vives et aux sourires exagérés. Sa mère le gronde un peu, elle le relève de force, du bout des doigts il rattrape ses jouets, errant contre lui une peluche aux cheveux noirs et au large sourire sous un chapeau de paille.

– Arrête donc de te traîner par terre veux-tu !
Ça suffit comme ça, je n’en peux vraiment plus !

Ses yeux sont tout brillants, mais il ne pleure pas.

 

Rémi rejoint sa place un peu triste pour le gamin. Il dépose son café à la tablette de sa place, s’assoit, attrape la mallette de son ordinateur à ses pieds, boit la dernière gorgée, jette le gobelet à la poubelle, l’écologie, c’est pas pour demain. Il ouvre sa mallette. Sans le faire exprès, il fait tomber une photo. Il se penche. Ses doigts et son regard effleurent le papier lisse — ses deux amis et lui, devant la tour Eiffel. Le métal tressé, fin comme de la dentelle, perce le ciel de la capitale. Ils portent chacun une chemise, de gauche à droite : bleue, blanche et rouge — évidemment. La main droite levée, deux doigts croisés en un salut à l’objectif, ou peut-être à quelque chose au-delà. Ils sourient d’un sourire sincère. Rémi caresse le contour de la flèche, toujours cette même nostalgie. C’était une belle journée, quand ils ont pris la photo. Il la range doucement, avant de se mettre au boulot.

 

Il aime beaucoup son ordinateur, qu’il vient de prendre ; une petite boite en bois en acajou ciré, un bois très rouge avec peu de veines. Il aime son contact. Il le caresse du bout des doigts puis le pose sur la tablette ; à droite. Il pose sa mallette à côté de lui et sort une pochette en velours violet aux reflets vert.

 

Dedans il y a ses préempteurs. Il prend la première des deux chaînettes qui relie les bagues, il les a choisis fines et en argent. Il a fait ciseler chacun des 10 anneaux, c’est plus joli. Il enfile les deux mains. Les bagues glissent tendrement sur les phalanges de ses doigts. Elles sont douces et agréables, comme des gouttes d’eau chaude sur sa peau. De sa mallette il prend son clavier gonflage — une membrane souple, légère comme une méduse, qui épouse la forme de ses doigts dès qu’il la caresse plus qu’il ne la touche. Pour le voyage, il a choisi son préféré : le clavier bleu et rose pastel, aux couleurs chamarrées.

 

Pour finir, avant de fermer sa mallette il prend ses lunettes ‘dn-ordinateur’. Il chausse ses lunettes avec ses oreillettes. D’un geste discret de la main droite, tout en le caressant il allume son Ordi. Sur ses tempes le contact frais de la monture déclenche un léger frisson, familier, rassurant qui confirme la synchronisation. Dans ses oreilles le petit « bip » caractéristique – son qu’il a gardé par nostalgie, un peu ‘old-school’. Ça le fait marrer. Bien sûr que, c’est inutile…c’est justement pour ça que c’est indispensable.

 

Devant ses yeux, l’écran noir classique s’anime. Il a laissé le « Check » du matériel, réglé à sept secondes — juste le temps de respirer.

Tout semble en ordre. L’ordinateur est prêt.

 

Le regard voit d’abord le fond d’écran dans le bureau à 150° ; une cité sous-marine. Entièrement lovée au creux d’une grotte immense, comme une perle nichée dans l’écrin d’un coquillage.

La lumière de la ville perce l’obscurité des profondeurs, faisant scintiller les façades accrochées à la paroi. Certains bâtiments semblent flotter, ou bien suspendus au plafond rocheux, tandis que d’autres s’enracinent dans les fonds comme des coraux géants. La vision est féerique, enchanteresse.

Partout, des points lumineux bougent en tous sens — des véhicules, des êtres vivants, peut-être — comme les paillettes d’un globe souvenir qu’on viendrait de secouer. En bas, un vaste espace s’ouvre : un port, sans doute, où convergent ces lumières mouvantes. L’obscurité des profondeurs rend à la lumière de la cité sa superbe et fait ressortir le contraste des parois abruptes.

 

La vue est magique. On dirait une vraie image de la ville, presque une carte postale touristique. Une photo vantant le panorama dans toute sa splendeur. À chaque fois, elle emplie le cœur de Rémi. Il aime cet endroit.

 

Peu à peu, son regard s’habitue, il commence à distinguer le reste du bureau : des icônes, semi-transparentes aux couleurs pastel — rose pâle et héliotrope  — qui flottent doucement autour du paysage. Rémi effleure l’icône du traitement de texte. Une grande fenêtre s’ouvre, superposée à la vue de la cité, sans la masquer totalement. Comme si l’on regardait à travers un scaphandre : l’interface enveloppe le regard, mais le monde qu’elle révèle reste visible, à la fois dehors et dedans. Le texte lui-même semble flotter dans l’eau, translucide, bordé de jolis symboles affordants.

 

L’allégresse reprend Rémi, il se remet au travail.

Et maintenant, où en était-il ?

 

Un pleur ! Retour au monde extérieur. Le gamin vient de se faire gronder sévèrement à force de jouer par terre, il étouffe son sanglot.

 

Rémi examine son espace, cherche ce qui manque… Ah ! De la musique ! Son regard glisse, son lecteur il est où ? Un coup d’œil à droite. Rémi vient de trouver, il est en bas. Là, posé sur le toit d’un grand bâtiment… Il descend, évite l’angle d’une tour, attrape la musique — un œil oblong avec une double bille irisée au centre. Il hésite … hummm… non… non… non… Voilà ! De ses préempteurs, main gracieuse, il active la lecture. Le premier morceau commence et couvre le brouhaha ambiant. Il aime beaucoup ce musicien. Il s’apaise. Il est heureux.

 

Enfin, retour au boulot ! Calmement Rémi relève la tête, l’espace de travail défile en reculant, rase le flanc d’un édifice. Le texte réapparaît, transparent, laissant deviner la cité derrière — ses parois, ses objets flottants, son immensité. On peut percevoir les bords de la grotte. On remarque tous les objets qui flottent et on se rend compte de la grandeur de cette extraordinaire cité.

 

On ne pouvait l’imaginer au premier regard. Mais en y regardant de plus près, elle est grandiose. Immense. Ses dimensions sont… édifiantes. Délirantes ! Sûrement des lieues. Difficile de le deviner, on a du mal à croire sa taille.

 

L’attention de Rémi se fixe sur les lettres du texte qui flottent au-dessus de ce qui pourrait être un « hydro-port ». Il semble y transiter ces milliers de petits points. Rémi relit l’entête de ce qu’il était en train d’écrire…

 

Ah oui ;

« Il était une fois sous l’eau…

Chapitre 2

XeAr le regard nulle part, les yeux en direction de « l’hydro-port ».

Songeur, la tête aussi vide que son regard, son esprit flotte ailleurs.

A droite l’entrée de la grotte — banlieue principale de la cité.

Malgré la distance les champs d’algues se distinguent assez bien. Tout en restant discrète et perdue dans les profondeurs, la douce lumière éclaire le paysage. Nourries par la lumière artificielle, les algues ondulent — douces, discrètes, presque hésitantes.

En longeant la colline près de l’entrée, de brefs éclairs scintillent.

Petits points vifs, errants. En remontant le long de la frange, près de la paroi, les courants se devinent. Quelques bancs de poissons les suivent, en silence. Ce sont eux qui scintillent. Ils dansent, ils dessinent des formes étranges et changeantes… hypnotiques.

Sortant de sa rêverie, XeAr se retourne d’un brusque coup d’épaule. Il se dirige vers l’interface de l’ordinateur. Il lui demande pourquoi un endroit si profond et sophistiqué a été choisi. D’un air élégiaque il songe aux grandes prairies de Gremje. Là-bas tout est tellement plus clément : la pression, les courants chauds – ça permet de mieux voyager. Une clarté simple. Ici, tout est… encaissé, enfoncé… enveloppé. L’interface est une grande algue ondulante, teintée de bleu-vert et de reflets buddleia.

C’est le laminaire – l’algue vivante, sensible – qui répond d’une chaleureuse voix féminine :

  • Mais que veux-tu dire exactement … XeAr ? » (prononcer Siharr)
  • Voyons C°Fet pourquoi là ? Là ! à cet endroit ? (prononcer Seuphet)

Je regarde la cité d’ici, elle est si belle

Avec ses lumières pâles qui dansent, si sensuelle

Le balai souple des lymantas et autres engins,

Je n’arrive pas à comprendre : pourquoi ici ? Hein !? »

XeAr baisse le regard et la voix, mélancolique et accablé par l’absurdité de son emportement.

Doucement, l’algue s’apaise ; les ondoiements ralentissent. Ses miroitements violacés cessent de scintiller. L’interface s’estompe discrètement. La lumière du hangar diminue légèrement, la console de l’ordinateur passe en veille.

Toute l’énergie environnante s’éclipse sur la pointe des fermions — comme si tout reculait en silence.

C°Fet est éteinte.

XeAr perçoit le changement subtil de l’eau ambiante, plus épicée avec un arôme boisé profond, elle s’est un peu réchauffée. Elle est plus douce avec une touche balsamique et une teinte ambrée. Il se retourne vers la ville pour contempler à nouveau la frange de lumière – là où commence le dégradé des algues qui se fondent dans la cité.

Il sent derrière lui qu’« elle » est là à l’observer.

Son parfum, aromatique, avec des nuances de terre cendrée glisse jusqu’à lui — persistant. L’ambre l’enveloppe comme un voile tiède. Sa lumière diffuse tendrement la pièce dans une chaleur cannelée. Il ne se retourne pas — pas encore.

Son regard continue de fixer le port au-dessus duquel dérivent ses pensées au milieu de la fourmilière. Des milliers de lumières flottent, des lymantas, Réis et autres Balainnes de marchandises. Son regard plonge et distingue à peine les artères principales qui se perdent dans la profondeur. Seule la bande de la cité scintille, animée par les chatoiements des véhicules. Avec le jeu des diaprures, on dirait de simples traits de lumière discrets.

L’architecture stalagmite donne à la cité des aspects vivants. Les lumières du centre varient sous l’effet de la diffraction induite par la chaleur. On appelle ça le Voile de Pauzy’édon. C’est le nom populaire qu’on donne à toutes ces tours élancées, baignant dans les ondoiements de lumière. Leurs formes fines et leurs mouvements subtils donnent l’impression d’algues figées dans le temps — élégantes, comme suspendues entre deux courants.

Les Pilia’Watas les plus hauts s’élancent vers la voussure — mais, par respect, jamais ils n’ondulent, jamais ils ne touchent la voûte. Seule une construction tombe du plafond, une seule. Le lumphar principal. Un imposant Trench-Zhan, d’opalin et de jais. Immense, lourd, massif — pourtant, à cette distance, il ressemble à une dent unique, un croc dans la mâchoire d’un serpent.

Le regard posé sur le lumphar revient le long du plafond. Sans pensée, il suit un petit lymantas de service qui quitte l’agglomération, puis sort du champ de vision. Dans la vitre, le reflet citrin du hangar se trouble — et le miroitement d’une silhouette ambrée croise son regard, elle l’invite à discuter.

  • XeAr …» de sa voix enveloppante essaye-t-elle…

Il pivote délicatement et la fixe, elle est rosée au reflet bleu comme une turritopsis dohrnii ; c’est une magnifique méduse transparente. fetyW donne l’impression de ne pas avoir de bord net comme la méduse immortelle dont elle s’inspire. Cela donne, comme sa voix, l’impression qu’elle est partout. Sa présence continue même après le regard, par derrière, au-delà… Elle a fait élégamment des efforts pour prendre une forme humanoïde.

  • fetyW tu sais ce que je veux dire, (Prononcer Fée Tia)

Tu sais parfaitement ce que je veux dire ! » Insiste-t-il.

Pourquoi est-ce que tu n’as pas laissé répondre »

Ton interface de niveau C ? Est-ce ton ordre ? »

  • A cause du ton de ta voix… » Commence-t-elle avec respect.
  •                        Oui  » Coupe Xear, plus rudement qu’il ne l’aurait voulu. (point exclarrogatif)
  •                                   Tu as compris, » Poursuit-t-elle tendrement.

Je vois. Tu es agressif ! Et ça t’a surpris,

Plus que tu ne voudrais vraiment l’avouer,

Cette ‘pauvre’ interface, on peut la consulter,

Elle est là pour répondre à des questions, c’est tout.

Pas pour philosopher, affronter ton courroux,

Ni parler de tes humeurs ou joutes verbales.

Ça n’aurait servi à rien, pour que tu t’emballes

De la laisser te répondre, elle n’aurait fait

Que t’irriter encore plus parce qu’elle n’aurait,

Dans ta colère, selon toi pas répondu… » Laisse fetyW en suspens, comme si c’était une question.

  • Ton interface ne l’a pas fait, le feras-tu ? »

Tu n’as pas tort je n’ai pas été satisfait. » Avoue sobrement XeAr.

  • Connais-tu ces questions auxquelles tu voudrais

Que je t’apporte des réponses ? »

XeAr sourit courtoisement, laissant apparaître ses petites dents aiguës.

  •                        Oui, mais je sens,

Que tu ne vas pas me répondre facilement.

Ta magie transpire, par l’eau épicée,

Ta mauvaise foi à vouloir m’aider.

Ah, ne nie pas ! Mais la chaleur que tu en dégages

Indique aussi un côté protecteur, gages

Bienfaiteurs de ta bienveillance à mon endroit,

Et ne sais duquel de ces sentiments je dois,

Le plus me méfier, quitte à paraître paria. »

fetyW oscille et danse. L’estocade ne la laisse pas indifférente. Attristée, son éther se colore d’orange. Elle se déplace pour le rejoindre près de cette vue imprenable. Il regarde à nouveau la cité, elle à ses côtés. Un silence de non-dit et de profondes choses importantes passe. L’instant n’est pas pesant, il est agréable et empli de gentillesse. L’eau change de goût, délicatement cannelée, chaud et légèrement piquante mais quand même sucré-épicé. fetyW a diminué les lumières. Les branchies de XeAr ralentissent leur rythme de filtration : il s’apaise, il se calme. Tout en bas la lingua-spire de communication – le lumphar principal – accroche un lymanta. fetyW contraste un peu plus sa forme afin de lui donner une apparence plus nette et pouvoir mieux discuter avec XeAr qui se tourne vers elle.

  • Toujours aussi sensible et courtoise fetyW. » Dit-il pour lui faire comprendre. Il n’est pas indifférent à sa douce attention diplomatique de vouloir discuter sereinement.
  • Hé ! c’est plus facile comme ça non ? »
  •                                                            » Approuve-t-il aussi courtoisement.
  • Ne t’y trompe pas, j’ai des défauts moi aussi,

Et je ne suis pas parfaite, ne l’oublie pas.

Jamais je ne jetterai vers toi des appâts… »

  • fetyW… »
  •            C’était un hangar ici autre fois,

Tu le savais ? »

  •            Oui, c’était des labeurs je crois ?

Plus exactement leurs pièces de stockages,

Mais les modèles n’existent plus, autres âges

Maintenant. Et toi est-ce que tu les as connus ? »

  • Oui, mais ils ne sont pas aussi anciens que ça,

Dit donc espèce de chenapan, ni moi non plus,

Mais où est passée ta galanterie jeun’ gars ! » Répond-elle rieuse.

–     Tu sais fetyW…» Continue XeAr en adoucissant le ton.

  • Oui ? » Son éther vire à l’ambré flamboyant, elle éclaircit de sa présence la salle.
  • Tu es la seule nord’I à faire toujours cet effort « d’humanoïdisation» quand tu discutes en privé, si tu me permets ce néologisme…Et je trouve ça très respectueux, donc ; merci. »

fetyW éclate de rire et de lumière, son jaune irradie de plus en plus il devient chaleureux, un chaleureux béryl.

  • Oui, tu peux. Je trouve le terme fort joli cela dit.

Chacun de nous autres offre l’apparence que nous désirons aux autres.

J’aime que tu me distingues avec tant d’élégance, c’est si gentil.

Mais tu sais nous avons tous des personnalités différentes.

Ce sont les rencontres dans notre vie qui forge la personnalité. »

  • Au-delà de l’acquit ? » Lance d’un ton anodin XeAr.

fetyW est irritée par la question, car il vient de rompre la complicité qu’ils revenaient d’instaurer. Il veut revenir à ses sujets. Les réponses pourraient ne pas lui plaire, elle essaye de le ménager. Ça l’inquiète un peu qu’il mette des barrières entre eux. Il change d’air, atrabilaire.

  • XeAr tu sais bien que la nord’Iës (*) doit conserver l’acquit historique et le patrimoine. Et que la connaissance obtenue n’a rien à voir avec la nouvelle personnalité. (* ce n’est pas le ‘pluriel’ nord’I voir le lexique.) Pourquoi te rentres-tu ? Sans cesse sur la défensive ! Briser ce moment complice… on est amis et j’ai l’impression… »
  • fetyW, pas toi, et pas ‘ce’ coup là… tu sais ce qui me chiffonne, et sur quoi je travaillais quand ça m’est tombé dessus. Mais ce qui me rend le plus triste c’est comment tu éludes toi aussi systématiquement mes questions. Que caches-tu ? Pourquoi ? Qui a-t-il à cacher de si grave ? »
  • C’est bon ?? As-tu fini ton caprice ? c’est quoi ! le ‘’grand complot‘’ … je suis désolée mais tu es dans la vraie vie et pas dans une fiction d’imagietique où il y a des espions partout ! Dans lequel j’aurais un rôle, tes parents pourraient en être instigateurs aussi non ? Nous nous faisons du souci pour toi…

ça arrive parfois…

pour les gens qu’on aime. »

  • fetyW je … »
  • Il paraît que ça se fait…oui ! » Lance fetyW plus triste qu’agacée.
  • … suis désolé. Mais tu sais mes travaux historiques sur la cité, j’ai retrouvé certaines choses qui me troublent… » Continue XeAr d’une voix abattue.
  • Hé bien raconte… »
  • Des documents tronqués dans la bibliothèque, les D°Fet (prononcer dfet, ou djet) qui répondent à côté de la plaque aux critères de recherche que je lance…

hummmm une impression seulement … »

fetyW l’encourage, d’une simple phéromone sucrée, à parler et partager ce sentiment. Une petite note réconfortante et gourmande, évoquant des souvenirs hivernaux.

XeAr explique alors à fetyW, sa voix chargée d’émotion, n’utilisant que les basses de sa tessiture. Gorge et ouïes dilatées, il parle dans un feulement — abandonnant les vocalises aiguës qui nuancent habituellement les propos.

Sa voix s’arrondit en un doux ronronnement rassurant d’un rythme régulier, il raconte…

Il a trouvé des mots anciens, que nulle interface ne sait plus expliquer. La nord’Iës contrôle même ses accès aux interfaces B. Elle intervienne directement…

Xear continue, sa voix ronronne en contre Ut quand il évoque eldmI, de la cité des grandes baies, « frek erk po kera » (prononcer eld mi) — grande(s) baie (s) cité grande(très) — .

L’émotion le submerge, malgré les tentatives de fetyW d’une caresse cuivrée et opulente. L’eau a des effluves épicés et une aura dorée, comme une promesse lointaine. En nommant un nord’I, XeAr sent la culpabilité se refermer sur lui.

L’éther de fetyW glisse au glauquetendre des algues de la prairie de la limule. Avec pudeur, elle donne à son apparition mlrao’eao un visage plus marqué, qui se tourne vers XeAr. (prononcer mi là haut ya).

Le reste de son éther s’adoucit, les contours des bras deviennent plus vaporeux. Elle les étend enveloppant XeAr dans une brume verdoyante malachite, qui trouble la vue. fetyW est ému ; elle désire l’enlacer. Elle essaye de le rassurer dans ce cocon qui les voile, bien qu’ils soient seuls dans la pièce. XeAr sent que cette intimité les protège. Ses branchies ajoutent au feulement de son récit. L’eau bourdonne, il continue sa gorge ainsi serrée.

La projection Eidolon d’eldmI dégage une hostilité palpable. Agacé, il se manifeste sans qu’on l’invite, surgissant au milieu des recherches. Sans rien dire explicitement, mais pour manifester son mécontentement envers ce « petit fouineur » de XeAr. Si eldmI n’a rien prononcé, le goût aigre-doux citrique de l’eau en sa présence le criait. XeAr en est inquiet, il avait déjà rencontré eldmI et il n’est pas très facilement irritable. De toute la nord’Iës qu’il connait, il est le plus phlegme. Ils avaient beaucoup discuté d’histoire ensemble : non seulement les côtés officiels enseignés en cours, mais aussi des parties moins reluisantes.

Même les pages honteuses de l‘Histoire, lorsqu’elles sont enseignées, sont toujours adoucies. Cette lénification ne garde que le message de l’expérience à en retenir, effaçant les détails gênants… Ils pensaient au contraire que cela serait utile. C’était là leur conviction concernant la jeunesse en général, et celle de sa génération en particulier. eldmI trouvait aussi que cette jeune génération était singulière. Ils s’en inquiétaient tous les deux. Ni l’un ni l’autre ne l’avaient qualifiée d’arrogante ou de prétentieuse, car cela aurait été faux. Pourtant, quelque chose caractérise cette génération. eldmI le confirmait, fort de son expérience et de son ressenti. L’attitude récente d’eldmI est si éloignée de sa sérénité habituelle. XeAr pense que c’est lié à ses recherches, comme s’il venait d’être trahi… par un ami.

Le feulement de XeAr retourne ses sentiments, fetyW les sent. Il n’essaye pas de les dissimuler, mais reste pudique. L’éther Eidolon de fetyW change de couleurs par endroit. Elle essaye visiblement de lui dire quelque chose, de rassurant, mais n’y arrive pas. XeAr contemple le visage qu’elle s’est donnée. Un visage tel que ceux qu’il admirait dans ses livres pour enfants. Ces livres qui racontent des histoires pour tout petits, qu’il aime toujours.

Un visage doux, lisse, comme les courbes d’un épaulard. L’eau, légèrement ionisée devant leurs visages, bourdonne doucement.… fetyW essaie ; mais aucun mot ne lui vient. Elle est suspendue, impuissante. Ses yeux, plus que ses lèvres essayent de sortir quelque chose… mais, un blocage. Est-elle submergée par la tristesse de XeAr, autre chose ?

Enlacés au cœur du voile de son Eidolon, l’ambiance qu’elle a créée les enveloppes.

L’eau, rendue plus épicée, légèrement hespéridée, dégage un parfum éloquent. Ce parfum, réconfortant et gourmand, mélange un soupçon de résine fraîche et des notes orientales chaudes.

Elle le regarde, lui : au visage réel, marqué et net. Ses grands yeux et ses lèvres suçant doucement l’eau vibrent au rythme du feulement de sa gorge et de ses branchies. La suave chaleur du manteau qui les enveloppe et les dissimule se mêle à celle de l’eau ionisée, douce et apaisante…

XeAr sent sur toute sa peau la magie de fetyW, en rythme avec son aspiration ronronnante. Sa théurgie à son image : courtoise.

Jamais il n’a éprouvé cette nostalgie avec d’autres de la nord’Iës. fetyW est laconique. Sa magie est un doux mélange de cette politesse et d’une longue expérience. Cela épice sa sorcellerie d’un rire narquois. Elle n’essaie pas de le dissimuler mais elle reste pudique.

Il émane de fetyW la puissante théurgie qu’elle ne dévoile pas et dont elle n’abuse jamais. Les sentiments de la nord’I, mêlés à sa magie riche et veloutée qui cherche à le rassurer, lui renvoient une impression étrange. Cette impression est complexe : inexplicable, lascive, protectrice, et même exaspérée, ou pressée.

Le temps est suspendu entre eux… dans ce nuage fait des bras étirés, vaporeux, de fetyW, qui enlacent toute la pièce.

Le temps s’est lové au cœur de la sécurité thaumaturgique — fetyW, son Eidolon.

Par son exhalation, XeAr continue de sentir la magie ; dans la bouche, sur sa langue, sa peau… une saveur riche et complexe, déployée en une chaleur douce. Ni l’un ni l’autre ne bougent. Les chatoyantes couleurs de fetyW se font discrètes tandis que XeAr ronronne toujours de sa gorge et ses branchies.

De cette inaction émane quelque chose d’essentiel. Tous deux le sentent : leurs regards enlacés se font moins profonds, ils brillent davantage. Imperceptiblement, l’éther de fetyW rassemble ses bras enveloppants et vire au bleuté barbeau.

Le visage s’essouffle.

Son Eidolon perd sa netteté : les pommettes s’estompent, son nez s’efface et ses bras redeviennent des membres, cessant d’être un voile. Au fil de longues minutes — silencieuses, intimes — fetyW retrouve la netteté de ses mains. Son visage prenant une couleur bleue cyan ; l’eau devenue moins épicée s’est rafraîchie. fetyW a laissé l’eau se refroidir ; sa magie a également quitté l’eau baumée ambiante.

L’enchantement, se dissout doucement comme un parfum qui s’éloigne. Les yeux de fetyW sont moins nets, XeAr peut cesser de les fixer à travers le corps nébuleux et ionisé. XeAr a retrouvé un rythme plus calme ; sa cage thoracique se gonfle d’eau.

Face à la mlrao’eao sa gorge s’est desserrée. fetyW le regarde ; elle le regarde à nouveau.

Elle ne le dévisage pas, non elle le scrute. Elle aime l’observer et en profite.

Xear est vêtu d’une combinaison mauve et topaze, dont les coutures soulignent les lignes et accentuent les reliefs de son corps noueux. Les manches sont mi- courtes. Le col en V de sa sur chemise laisse voir la souspeau synthétique. A sa hanche sont accrochés ses gants et quelques gadgets, dont un contacteur. Il porte un boxer moulant ne masquant pas sa masculinité, et galbant ses fesses. Il descend à mi-cuisse et s’achève sur un liseré orangé, là où commence la souspeau synthétique.

Il a des petites chausses de sport, courtes et ajustées. Il n’est pas excessivement musclé, plutôt normé, mais affiche une attitude assurée. fetyW apprécie particulièrement l’élégance de son port. Il a le visage potelé, comme tous, mais sa peau est plus mate que celle des citadins.

Natif d’une petite agglomération proche de la surface, sa peau porte les marques de son origine. Son menton duveteux souligne son âge, marquant sa mâchoire post-pubère. Ses joues rondes, comme le reste du corps rempli de graisse, font ressortir ses yeux malicieux, encadrés de longs cils.

La nord’I aime s’y plonger. Ses sourcils fins dessinent un simple trait. Il a un nez large et plat ; plutôt petit pour un mâle. Ses lèvres pulpeuses violacées cachent ses dents blanches aiguës. Sa langue rosée est agile à la parole. Sa chevelure est encapuchonnée pour ne pas flotter et le gêner. C’est pourquoi il porte un voile de coiffe de retombant sur ses larges épaules.

La cagoule est fendue au niveau des oreilles, les plaquant sans en filtrer le son. Le voile de sa coiffe, fin et transparent comme une méduse, rejoint les omoplates plus basses. Dans son dos, un sac à dos est subtilement dissimulé, harmonieusement intégré aux plis des différentes étoffes. Ce dernier descend jusqu’à la cambrure des reins. Les pans ocres, safrans de la coiffe rejoignent le sac.

Le voile de sa coiffe se déploie sur ses épaules, dessinant de délicates strates de drapures. De couleur incarnat, les dessins vont jusqu’à son avant-bras, où ils se fondent dans un parme très clair rompant ainsi la ligne, sur la fin des manches. Ses mains sont mi-palmées.

Il a une bague à l’annulaire droit, il a des ongles triangulaires bien entretenus. fetyW sait que ses paumes sont calleuses par le sport et le travail, bien qu’il soit étudiant-chercheur. Elle porte son regard sur ses côtes, où la combinaison est fendue de trois évents soulignés d’un fil bleuté-smalt pour ses ouïes. Le tissu flotte au rythme de sa filtration

Il s’est apaisé depuis un moment déjà. Sur le sternum, les fils se rejoignent dans un cyan qui s’étale pour remonter le long du col en V puis redescend dans le dos, sur le sac, dans un doux dégradé. fetyW caresse du regard le bas de ses hanches, remonte sur la cambrure des reins et revenir à nouveau vers les trois évents de ses branchies. Le cyan sur les ouvertures se colore de céruléen. Le cou est large, pour la filtration de l’eau et pour accueillir les cordes vocales à vaste tessiture. Sa nuque très échancrée lui donne un profil doux de béluga.

La combinaison lui moule le corps jusqu’à la mâchoire. Ses lèvres restent mi-closes, entre la succion de l’eau et parler. C’est fetyW qui, tendrement, reprend la parole.

  • XeAr, tu n’as pas un rendez-vous là ? » Doucement pour ne pas rompre l’instant ni jouer les rabat-joie.

Il regarda, derrière eux, l’heure à la console de l’interface. Il ne s’était pas rendu compte de l’heure ; le trafic au-dessous d’eux aurait pourtant dû le lui rappeler.

–     Oui je dois rejoindre NaOH et xxsioo. » (prononcer Naor et sihö)

  • Ne les fait pas attendre. Nous pourrons continuer la prochaine fois. Ne t’inquiète pas, je te rafraîchirais la mémoire. Tu as des questions à poser et moi des réponses à te donner — ou du moins je t’aiderai à résoudre ce que tu penses nécessaire. »

L’algue est toujours figée, droite, d’un bleu inanimé.

XeAr s’en rapproche, récupère ses affaires près de la console et les fourre dans son sac à flancs.

Il serre son voile sur sa combi et le noue à la ceinture. Il se baisse sur ses chausses pour dépoiler des mini-palmes qui l’aident dans la nage citadine.

D’un clin d’œil et du bras gauche, il salue fetyW.

Elle réactive la C°Fet, l’algue reprend vie.

D’un coup de rein XeAr arrive à la porte.

  • Allez fetyW à plus. Je repasserais après-demain. Ce soir je mange avec mes parents ; comme tu l’as dit ‘‘ça se fait de se faire du souci pour ceux qu’on aime’’ et je crois qu’ils s’en font.

Un repas en famille nous fera du bien. » Dit-il.

  • Il y aura ta sœur ? »
  • Oui en principe avec Figz et Uzeanu. » (prononcer Figuehz ou ‘fix’ et Ousséhann Ho)
  • Il doit être mignon, je ne l’ai pas revu depuis plusieurs mois. »
  • Il grandi … tu verrais. »
  • Tu les embrasseras de ma part. »

Chapitre 4

XeAr sort en quelques coups de nage gracile et efficace. Il dévale joyeux et virevoltant l’escalresse de service pour rejoindre ses amis. C’est un long boyau, couvert de minuscules vers claveline, qui oscillent tous dans le même sens. XeAr glisse ainsi sur ces petits cils. Il y a deux escalresses qui s’entrelacent en une tresse en colimaçon, l’une montant, l’autre descendant — comme d’immenses brins d’une corde vivante.

En bas, il débouche du conduit dans de longs couloirs. Il les parcourt plus en bondissant qu’en nageant. Il croise quelques ouvriers — combinaisons collantes, souvent orangées, noires et blondes, parfois rehaussées de tissu réfléchissant aux points stratégiques. XeAr, poli, salue les huit personnes : quatre féminines, trois masculines et une Jobotahe étincelante (prononcer robota). Elles lui rendent son salut jovial par un salut polit. Il n’a pas le temps de plus les considérer elles retournent déjà à leurs occupations, lui quittant le bâtiment. Il regagne, en nageant comme un jeune alevin, les coins un peu plus fréquentés, que l’ancien entrepôt où il travaille.

La porte vitrée automatique s’ouvre devant lui ; la lumière de la cité — claire, artificielle, un peu trop parfaite — vint caresser le visage de XeAr. Après la pénombre feutrée du hangar, ce flot de vie le surprit presque : il est heureux de revoir des gens ; la population, l’activité. L’allée est assez large, et les véhicules respectent scrupuleusement leur conduite. Les gens eux aussi font eux attention aux carrefours.

Ici, dans la couronne Induskaï, chaque geste a un but, chaque déplacement une destination. Pas de flâneurs, pas de touristes — seulement l’activité dense et silencieuse d’un quartier industriels qui ne dort jamais. Personne ne veux risquer un accident.

XeAr se dirige en sortant à droite vers l’arrêt du transharroyeur. Coup de chance un esox-luBUS glissait déjà à sa rencontre au moment où il consultait les horaires de passage.

La navette plana un instant, glissant au ras du sol en suivant son guide lumineux. Ses nageoires ventrales et pectorale se replièrent en un frémissement mécanique tandis qu’elle se posait, légère, sur le sol.

Longue, fuselée, avec une cabine surélevée, elle prend appuis sur les patins deux patins d’atterrissage. Sur le même flanc deux ouvertures ovales s’ouvrirent alors en spirale, comme des sphincters organiques.

XeAr agrippe la barre centrale, qui permet de réguler le flux des voyageurs en deux. Il passe à droite. Comme les autres passagers, il présente son badge au conducteur, un sourire aux lèvres et d’un geste poli de salut. Il s’enfonce au milieu de la navette. Autour de lui, une jeune femme habillée d’un ensemble jaune saillant ; un jeune cadre dans son costume strict et son sac ventral à documents ; une jeune maman avec son enfant, tous deux assortis de rose ; une personne âgée assise près de la porte avec un couvre-chef typique des villages proches de la surface.

Au fond un groupe un peu criard mais jeune, ou l’inverse. Deux garçons, quatre berdaches et trois filles. Des jeunes, cinq sont habillés de cette mode ridicule mais tendance des ramasseurs de nodules et les quatre autres n’ayant guère plus de goût.

Une, surtout, dégage une aura douce, inattendue — un parfum de miel chaud et de coriandre verte. Elle est habillée comme les prostitués des camps de nodulistes. Une combinaison topaze aux reflets cuivrés souligne les seins par un vermeil subtil.

Les manches capucines et longues jusqu’aux mains continuent en gants de simili-broderies. De la nuque et le long de la colonne vertébrale jusqu’à à la chute des reins, un rebord gueules se sépare en deux au coccyx sur un Y d’or rouge. Le liseré souligne le galbe des fesses, de l’entre jambes et remonte au nombril en une spirale.

Les jambes sont mi-courtes, exagérées de dentelles ambre-rosé au-dessus du genou et au-dessous un synthé-peau de soie. Le cache sexe des bonnes mœurs fuchsia est en fait cousu et non pas amovible.

Son voile de coiffe, immense lapis-lazuli cristallin, est attaché, enserrée autour de ses épaules, le long de ses bras, pour y dissimuler les « traditionnelles » armes de défenses que les prostituées ont.

Mais XeAr, l’ayant reconnue au premier regard, détourna les yeux sans lui accorder plus d’attention.

Un soupçon de fraîcheur anisée et d’hydromel s’échappait d’elle, tandis qu’il sortait sa console pour continuer à travailler.

Il parcourt ses notes. Malgré les paroles apaisantes de fetyW, un doute tenace le ronge. Une inquiétude sourde demeure. Il sent, plus qu’il ne l’entend ; le silence de la part de la nord’Iës — un mutisme poli, mais implacable. Même fetyW, d’ordinaire si franche, reste évasive. Elle esquive certaines questions sur d’anciens mots. eldmI, lui, l’a envoyé bouler sans ménagement…

Plus il relit ses notes, moins il en a envie… plus l’exaspération monte, visqueuse. Englué dans une mauvaise volonté manifeste, il voit chaque piste se refermer sur lui. On lui apporte des réponses menant toutes à des impasses…

xxsioo l’a senti — un vrai ami. Il lui a proposé d’aller se détendre — une sortie à la grotte des tourbillons, comme au bon vieux temps. À cette pensée, XeAr se calme et range machinalement sa console. Il contemple le paysage. Il se tourne vers la fenêtre. Dehors, la cité défile. Ils ont déjà quitté les quartiers industriels Induskaï. A l’intérieur, l’eau a un léger goût cinnamique assez agréable à peine sucré, comme une poussière de cannelle sur la langue. C’est agréable, presque familier — et pourtant, cela n’appartient pas à ce quartier de la cité. Le calme semble infuser l’eau, dissolvant le stress qui l’étreignait quelques instants auparavant. La douceur de résine s’épanouit, lentement, en une chaleur veloutée qui enveloppe la gorge à chaque exhalation. L’eau continue de chanter.

Les jeunes au fond sont toujours aussi bruyants. La personne âgée se lève pour son arrêt. Son couvre-chef est vraiment très classe, ça rappelle à XeAr ceux de son village. Un pincement au cœur. Ils doivent être voisins tous les deux. Mais il n’ose pas lui demander ; dans cette grande cité les gens ne se parlent pas ; on ne parle pas aux inconnus.

Son village lui manque et le sentiment l’envahit. Les odeurs mellifluentes et fraîche lui reviennent : comme la badiane amenées par les courants du sud juste avant la saison des récoltes. La lumière presque palpable du soleil filtrant à travers l’eau, le rythme lent des marées… tout lui manque.

Ici tout est différent.

La cité parait « aseptisée », l’eau est filtrée et lavée, maintenue à une température presque constante. On ne ressent aucun effet de marrée ni des saisons ou de la nuit et du jour. Plus de migrations non plus — ni des mégaptera, ni des bancs de loligo et tout pleins d’autres animaux encore.

Comme une seconde vague, les souvenirs à la ferme de son grand-père remontent. Quand ils allaient moissonner les algues. Récolter les œufs. Quand il allait chaparder les hippocampes chez les voisins.

Tout est différent de son village.

Il y a des véhicules dans le centre, qui croisent les gens, pas comme ici où ils circulent uniquement en périphérie ou dans les galeries de relis.

Là-bas, dans son village les caharap’ronden s’encastrent dans les creux des collines, à l’abri, dans les roches. Rondes, comme les carapaces des tortues, façonnées pour épouser les marées sans jamais les braver. Esthétiquement elles ont un design protecteur et fluide.

Ces habitations, loin des lignes droites de la Cité, elles utilisent les matériaux organiques locaux. Faites à partir de forêts kelp génétiquement modifiés — structurés ou tissés — et avec des bio-polymères filamenteux. Elles ont un aspect naturel ; vivantes, changeantes — jamais figées. Chaque demeure est cultivée par ses habitants.

Le seul édifice qui s’élève un peu au-dessus du sol est l’observatoire de migration. Son grand-père maternel, Faloudense, l’y emmenait souvent. Il lui racontait des histoires de lipotidaes, une vielle coralaustatue de sa grand-mère posée sur le bureau.

Son village lui manque vraiment et ses recherches n’avancent pas… troisième vague mélancolique.
Soudain, expulsé, le ramdam des jeunes le rattrape.

Ils se disputent … Pour quel sujet assez grave ? Le dernier jeu sorti apparemment… effectivement cela méritait d’ameuter tout le véhicule pour cet important problème existentiel.

La navette s’est arrêtée un peu brusquement, faisant crisser les patins sur le sol.

Il sort de sa torpeur.

La mamie se lève pour descendre. Leurs regards se croisent. Elle a remarqué son lorsque les jeunes ont rameuté l’attention sur eux. Elle lui offre un sourire complice qui a l’air de dire « Moi aussi, j’ai été jeune. Ne joue pas les blasés — tu n’es guère plus vieux qu’eux. »

XeAr lui rend un sourire reconnaissant. D’un feulement doux elle le salue et quitte la navette.

Ils se sont arrêtés près du centre commercial où il a rendez-vous avec xxsioo.

Déjà ?

Il n’a pas du tout fait attention au trajet. Pourtant il est long.

La jeune maman est descendue : quand ? Il n’a même pas remarqué.

Mais zut, c’est aussi son arrêt.

Bon hé bien il descend lui aussi.

La cité s’élance.

Les immeubles montent dans une danse vers le sommet de la grotte, ils s’étirent comme des flèches vivantes, sans fin… sans jamais le toucher. D’où il est — même maintenant — XeAr a toujours l’impression qu’ils vont effleurer la roche, que leurs pointes vont s’y enfoncer comme des racines inversées. La perspective est tellement trompeuse que sa métaphore vient de renverser le bas et le haut.

Les Pilia’Watas tendus s’élèvent filiformes dans la lumière diffuse, on croirait que les plus hautes cimes sont à portée de main.

XeAr, son cerveau sait ; ses yeux voient et pourtant son cœur lui dit le contraire.

Depuis l’observatoire où il travail, il sait bien ; l’abîme qui sépare les cimes du plafond — plusieurs kilomètres de vide, lisses, silencieux.

Cette illusion prend naissance ici.

La grotte est colossale ; son gigantisme tord la perception.

Si vaste qu’elle avale les distances.

Si haute que ce qui monte s’y dissout.

Les tours pourtant immenses, paraissent fragiles, presque minuscules — réduites à de simples algues qui flottent. Même leur démesure semble petite.

Elle engloutit tout.

Seul le lumphar principal, majestueux, ancré au sommet de la voûte, tombe ; il rompt le regard.

Tel une dentelle stalactite d’une demie lieues il impose sa présence d’une douceur irradiante d’opalin et de jais. Il semble guider la respiration de la ville ; il synchronise toutes les lingua-spires en périphérie.

À son point d’ancrage, des galeries qui courent vers les parois. Certaines récentes, d’autres anciennes qui vont vers les bords pour rejoindre d’anciens hangars, des observatoires nautiques et des centraux de relais.

Juste devant XeAr, le bâtiment des Cijh-lec se dresse comme une algue qu’on s’attend à le voir onduler (prononcer ssir lèc). Trois kilomètres de hauteur, et pourtant elle dégage une impression de fragilité, presque de grâce. Les Cijh-lec ont la charge de prendre soin de chaque nord’I, maintenir ses systèmes, de déployer des interfaces ou d’en retirer si nécessaires. Ils assument la lourde et importante responsabilité de veiller à leur bonne santé. Les équipes discrètes mais accortes, sont disséminées à travers la cité.

Réparties un peu partout dans la grotte, leurs Agar-Takas, sont toujours très élégantes. Tissés en bio-matériaux renforcés, inspirés de l’agar-agar — justement — confère une résistance à la traction et à la compression surnaturelle. Cette prouesse entre solidité et fluidité permet d’atteindre des hauteurs vertigineuses tout en restant minces, très minces et délicats. La finesse presque irréelle, mélange de fragilité, donne l’illusion que la structure ondoie et à la cité son apparence d’algue vivante.

Là où vient de descendre ; dans le centre, les lymantas individuels sont rares. Peu de véhicules circulent. Seules les petites capsules des services de la ville y sont autorisées.

En revanche, la nuit, les Frailugas — sorte de gros lymantas ventrus — viennent faire le ravitaillement et la logistique. Ils sillonnent les plus grandes artères, relayés par des lymantas modifiés et accèdent aux plus petits recoins pour les livraisons.

La ville n’en est que plus plaisante pour le passant qu’il est.

Les jours de la capitale ici ont été déclarés ‘’de jours d’été constants‘’, tous les jours toute l’année. Pas de lever aux aurores, pas de veillée tardive — juste une longue journée fluide, sans pointes d’affluence, sans quartiers dangereux.

Sans heure de pointe, sans ruée, l’activité se répartissait comme un souffle lent et régulier.

Il y a tout le temps du monde dans tous les quartiers, même les banlieues résidentielles.

Un calme apparent règne, bien différent de l’animation diurne.

La nuit c’est le contraste, c’est un autre rythme : moins bruyant, plus sérieux.

Les ouvriers des maintenances s’activent dans les galeries.

Le jour, promeneurs et voyageurs emplissent les places, vont de transports de sols en bouches de sousharroyeurs, nombreuses et régulières, elles déversent et absorbent ces milliers de gens en continu.

La première fois qu’il est venu avec sa famille dans la cité, iyu’po,Jh (prononcer ïhupors !La virgule fait partie du nom), ils étaient tous les quatre, pour du tourisme. Ils avaient été visiter les parcs d’attractions, la réserve nationale libre. Ils s’étaient bien amusés.

Il se souvient son émerveillement d’enfant, sa petite taille, face aux immenses gratte-voûte, vertigineux. Ils ont à peine rapetissé maintenant qu’il est adulte. Les Pilia’Watas s’élancent toujours dans une grâce tout aussi belle et harmonieuse, comme la diversité des algues.

Il passe par une grande place, entourée de constructions beaucoup moins hautes avec de la verdure partout. L’esplanade donne sur un parc floral vers lequel il se dirige.

Il est immense. Celui-ci s’étend sur plusieurs kilomètres.

Autour de lui, les immeubles s’abaissaient en un dégradé doux, jusqu’à de simples étages en bordure du parc floral.

Les Pilia’Watas cèdent la place à des bâtiments plus petits.

Les Kombloqs sont agrémentés de grands coraux, aussi grand qu’eux, laissant croire qu’à cet endroit la nature a été plus forte que l’urbanisme, pour s’épanouir dans ce parc. On trouve de tout, blocs d’appartements ou d’espaces mixtes, Kombloqs résidentiels, commerciaux. L’ensemble forme un quartier de taille moyenne avec partout de magnifiques coraux de toutes couleurs. La plupart des Kombloqs sont en dur, mais il y a quelques Tidalk’oms modulaires.

Elles peuvent changer légèrement de forme ou d’emplacement en fonction de l’environnement et de la saison, c’est l’intérêt des Tidalk’oms, et en plus celles-ci sont vraiment jolies.

Le coin où a débarqué XeAr est une grande gare d’arrêt, un HUB pour différents transports.

Il est descendu parmi les multiples points d’arrêts des navettes, un peu plus loin une sortie de sousharroyeur et ce gigantesque parc floral.

XeAr avance dans cette harmonie étrange entre architecture et flore.

Le design est plus végétal qu’ailleurs dans la cité : beaucoup de Kombloqs sont couvertes de plantes et certaines essaie de les imiter. L’ensemble se fond de sorte qu’on ne sait plus les distinguer et certains Kombloqs semblent vraiment onduler. D’autres sur le point de bouger, comme des animaux endormis. Bêtes caméléonesques de plantes.

Le quartier est conçu comme un souffle végétal : les bâtiments couverts de plantes semblent onduler, certains même ont une immobilité animale.

Cela donne une ambiance chaude et apaisante, que les passants respectent.

On dirait que tout le monde croit que ces monuments sont réellement vivants, et ils nagent silencieusement, comme si trop de bruit pouvait les réveiller.

XeAr comprend pourquoi xxsioo avait choisi ce lieu pour lui donner rendez-vous. Il ne connaissait pas du tout ce quartier. Il est en effet plus habitué au campus universitaire débordant d’activité, de bruit, de gens. Il jette un coup d’œil de circonférence à la place.

En vis à vis du parc, calme paisible, qui représente la nature, le centre commercial avec son agitation urbaine. Etrange mélange de genre. Deux mondes, juxtaposés mais malgré tout concilié avec harmonie. Cet endroit le raccommode avec le bruit et les gens… Le rapport que les seconds produisent du premier.

Cet endroit apaise en lui le conflit entre solitude et communauté — entre le silence du village et le vacarme de la cité.

Il quitte la place des arrêts des transharroyeurs, pour se diriger à l’intérieur du parc.

Il a rendez-vous juste en face, devant cette étonnante statue que son ami lui avait indiquée. Il passe devant la bouche de sousharroyeur – une des lignes arrive directement du campus universitaire, xxsioo devrait sortir par-là.

XeAr se dirige vers la statue de Jobotahe. Sur le petit piédestal il lit, « alallat’n » suivi du poème qu’elle avait dédié à Choxnœ (prononcer Alalyan et Chox noé). ‘‘paradoxes sentimentaux de la complexité des sens’’, une émouvante composition. La statue de corail, blanche, éclatante, belle, rayonne de la chaleur intense invisible, du blanc Igniblan. Il aime beaucoup cette couleur magique, elle est associée à la puissance ardente, elle ne brûle pas, elle enveloppe. Bien que la statue fasse deux fois la taille naturelle, elle est comme toutes les Jobotaa élégante, fine, élancée comme une lame d’algue.

Sa beauté irradie encore de tout l’amour qu’elle avait pour Choxnœ. De son long corps effilé, le bras droit, long aplati, pointe vers les étoiles, orné à l’index de la bague offerte par Choxnœ.

Plein d’admiration, XeAr continue de la scruter.

Elle adopte une posture altière qui la rend d’autant plus ravissante dans sa « configuration-citoyenne ». Sa tête légèrement oblongue penchée, un nez minuscule, des arcades sourcilières sont peu profondes. Elle des pommettes douces, une mâchoire gracieuse, et ses oreilles discrètes à peine visibles. Une petite boucle à l’oreille gauche, une perle — la « dernière larme de son amour » — pend d’une chaîne le long de son cou élancé.

Le regarde de XeAr continue de descendre sur les épaules délicates ; dans son costume de poète. Il est serti de parures qui descendent le long de son avant-bras gauche, la main pausée au côté, ou peut-être posée… Le pouce accroché à son ceinturon, les autres doigts filiformes, larges mais peu épais, sur la hanche délicate. Elle a un pantalon qui moule ses fesses à peine arrondies.

Elle est vraiment très belle … XeAr suit la boucle de ceinture gravée de fresques oblongues, certaines sont reprises au pli de l’aine. L’ensemble forme un dessin qui relie le haut des reins et descend le long des jambes sveltes et sans fin.

Ses jambes, comme ses bras, sont plus larges qu’épaisses ; un peu ‘plates’ même.

La statue porte une paire de bottes juste au-dessous du genou qui enlace son interminable mollet. Le liseré de la botte rencontre les fresques qui courent tout sur sa longue et délicate cuisse.

Penseur, il sourit à l’histoire de leur amour. Celle d’une Jobotahe et d’une  mlrao’eao, tendrement éprises, simple et si banale mais pourtant tellement extraordinaire ; ce qu’elles ont vécu…

  • XeAr ! »

Il sort de sa rêverie en se retournant et voit arriver scintillante ; la silhouette de son ami. Allure élancée avec ses longues et magnifiques jambes interminables parées de bottes. Elles montent jusqu’aux cuisses ; fines et élégantes brodées dans un tissu cobalt, flanquées de liserés chamarrés. Le reste du corps est longiligne avec de minces hanches — sa combinaison indigo et incarnat remonte sur son court buste elliptique. Les épaulettes donnent un peu de volume à l’acromion de ses épaules.

La ligne épurée du bras se lève dans un salut ondoyant à l’attention de XeAr qui vient à son encontre. En « configuration-citoyenne », la personne le surplombe de deux bonnes têtes, sa gorge délicate et sertie dans un raz du cou cramoisi où est accroché un petit bijou.

Elle lui sourit en inclinant la tête dans un mouvement charmeur, puis l’enlace de sa large envergure.

  • Alors comment tu vas mon grand. » Lance XeAr en lui rendant son étreinte.
  • Pas mal. Tu as trouvé facilement ? » Lui demande xxsioo de sa voix de baryton.
  • Tss… Pas mal ici, dit donc. J’ai même vu qu’on pouvait nager librement dans le parc. ? »
  • Oui …presque ! Il y a quand même certaines règles à respecter, mais oui c’est assez sympa ! »
  • Et NaHO ? »
  • Il nous attend déjà ! »
  • Euh ? »
  • Ben ! à la grotte des tourbillons voyons ! Il a pris ses palmes de chasse — il veut les essayer. »
  • Ha ben c’est malin ça… Je croyais qu’on allait au centre commercial ! »
  • Toi ? Dans la foule ? … Allez hop, un coup de nage libre te fera le plus grand bien. »
  • Bien chef, oui chef… à vos ordre chef ! Tu penses donc je suis ; Chef ! »

xxsioo éclate de rire.

  • Ah ! Voilà j’aime t’entendre parler comme ça. On y va. »
  • Par où ! je ne connais pas le coin moi. »
  • Sousharroyeur! y a une correspondance. »

Et XeAr suivit la Jobotahe.

Ils descendirent dans les couloirs du sousharroyeur, peu fréquentés à cette heure.

Ils nagèrent tous les deux vers les quais. Il avait déjà quelques personnes qui attendaient. L’endroit était organisé, avec une plate-forme centrale, des parois vitrées pour les portes de rame, et des plans de situation dans un relief en trompe l’œil. Au plafond des horloges indiquent les horaires des navettes et différentes informations. Ils ont quelques minutes à patienter.

xxsioo n’a pas déployé ses palmes pour ce court trajet. XeAr voulu jeter un œil à un distributeur, mais xxsioo l’appela : les portes de la rame s’ouvraient déjà.

Ils s’engouffrent dans la mono-rame. Elle démarre.

  • Nous y serons dans quelques minutes. » Dit xxsioo agrippant XeAr qui s’est fait surprendre par l’accélération. « En plus, à cette heure il n’y a pas trop de monde. NaOH a pris ses palmes de chasse, on va bien s’amuser, je le sens. »

XeAr ne répond pas, le regard absent sur la paroi opaline qui défile.

  • Tu pourrais faire un effort, j’essaie de te distraire ! » Lui lance la Jobotahe.
  • S’cuse. » murmura simplement XeAr, le regard perdu.

Un silence. Puis, doucement :

  • Bon … Puisque tu y es, raconte. Comme ça, ce sera fait. On pourra s’amuser, en laissant les soucis au vestiaire. Tu en penses quoi ? »

XeAr hésita, mais reconnaisant, partage ses sentiments :

  • … c’est toujours mes recherches. Encore tout à l’heure, fetyW, à mes questions, elle a répondu… mais de façon énigmatique. Ça m’agace un peu. »
  • Et est-ce qu’elle t’a dit que tu devenais un peu… pénible avec ta parano ? »
  • Hummm elle y a fait allusion » Dit XeAr d’un sourire aux lèvres, en constatant que son ami avait mis toute son amitié dans sa phrase pour le faire rire. (point d’ironie)

xxsioo rit, mais son regard resta sérieux :

  • Qu’est-ce qui te préoccupe tant que ça ?? fetyW ? »
  • Pas tellement, on dirait qu’elle essaye de me protéger, mais de quoi ? Et eldmI… son changement d’attitude m’intrigue aussi. »
  • C’est à dire ? »
  • De quoi veut-elle me protéger et qu’y a-t-il à découvrir ? »
  • Et si elle essayait simplement de t’éviter de partir en vrille ? Ça t’a effleuré ? »

XeAr sourit.

  • Oui ! »
  • Mais … » Demande xxsioo avec les points de suspension
  • … corroboré par quelques preuves, ce n’est plus de l’affabulation. »
  • Ah ? tu veux dire des vraies preuves, pas des éléments que-tu interprèterais comme tu voudrais qu’ils abondent dans le sens que tu imagines ? »
  • Des recoupements. Et ça semble pointer dans la même direction. »
  • Tu veux un coup de main ? »
  • Je comptais te le demander… et NaOH aussi… »
  • D’accord, on en parlera avec NaOH. Pour l’instant… on laisse tout ça derrière… »

xxsioo s’interrompt.

La rame ralentit. Ils sont arrivés à destination.

  • On descend ici ! »

XeAr hocha la tête. Il sentait déjà la tension se dissoudre, remplacée par l’excitation familière de la grotte, des courants, du jeu.

Ils sortirent.

La Jobotahe frôlant le sol de son corps tandis que XeAr se précipitant le long du mur. Ils s’amusaient, plus jeunes, ainsi à la raie miroir. Nageant tous deux les bras le long du corps, ils fusent dans les couloirs qui les mènent vers une autre correspondance. Ils arrivent au moment où les portes de leur rame se ferment, passant de justesse. Ils rejoignent un siège et xxsioo reprend la conversation en lui proposant ses services, NaOH en fera de même.

La Jobotahe, dans ses gestes lents et élégants, de ses longs bras, offre le sentiment d’une danse alors qu’il ne s’agit que d’une discussion. XeAr expose plus en avant ses craintes vis à vis de fetyW. Si elle désire le « protéger » — du moins est-ce son sentiment — c’est qu’il y a des raisons.

fetyW ne ferait pas ça pour rien.

xxsioo confirme un nord’I ne fait jamais rien à la légère et le changement d’attitude d’eldmI l’intrigue aussi. Il c’était rencontré dans la bibliothèque de ‘’frek erk kera‘’ et ils avaient bien discutés tous les trois, rit même, beaucoup. eldmI a un sens de l’humour provincial qui faisait beaucoup rire la Jobotahe.

Il fait partie des partisans de la réforme de l’enseignement.

Sa projection astrale est ténue comme un filet d’eau chaude des geysers de grands fonds… non plutôt comme le jet d’encre d’un poulpe en fuite.

L’image de l’Eidolon fit rire XeAr.

Enfin !

xxsioo fut fier de son effet.

Tout en arrivant, ils conclurent, par ce rire, de laisser leurs soucis au vestiaire. De ne parler de ceci à NaOH que demain, en quittant la rame.

Ils détalèrent, nageant près du plafond au travers les dédales de la station, prenant leur raccourci préféré pour aller à la grotte.

Ils débouchent finalement à un sas hermétique, évitant l’entrée principale. xxsioo salue un de ses amis Jobotaa de la maintenance. Il ôte un de ses gants lilas qui palment ses longues mains métalliques. Il s’avance vers le poste de commande où se trouve son ami, et lui serre sa main gauche dégantée. Ils s’échangent quelques politesses prenant des nouvelles l’un de l’autre. XeAr salue par-dessus l’épaule.

Les deux Jobotaa remirent leurs gants et l’ami de xxsioo serra à son tour la main de XeAr.

Nos deux compagnons pénètrent dans le sas. Ils passent la première porte lourde et épaisse quatre mètres par trois, lourde. Ses verrous se ferment hermétique, un léger courant électrique la parcourt. L’eau change de température, de goût. Deux grilles, une au sol l’autre au plafond permettent l’échange.

La seconde porte du sas, en vis à vis se desserre, libère de sa charge positive.

Les verrous jouent.

Elle pivote.

La lumière claire, céleste pénètre en premier leurs sens. Viennent ensuite la légère chaleur et l’ozone capiteuse de l’eau.

Ils émergent sur une grande plate-forme, elle surplombe la grotte.

 

Chapitre 6

XeAr pénètre le premier dans la grotte.

Moins vaste que la cité, pourtant, elle n’en paraît que plus immense — vide, silencieuse, offerte.

C’est le réservoir d’échange d’eau ; une cavité brute sans équipements, la grotte n’est pas une pangomaji comme la cité ou d’autres villes souterraines ; aménagée et implantée.

C’est cette nudité, vierge immaculée, qui lui donne cet air de gigantisme.

L’entrée principale, un vaste hall creusé dans la roche, se devine plus loin en aval.

C’est par là qu’arrivent la majorité des gens, il y en a d’autres un peu partout mais bien plus petites.

Eux sont entrés par un local de service, par une plateforme surélevée.

De leur perchoir ils distinguent les parois verticales, à peu près trois kilomètres de large.

Ici l’eau est moins laminaire et moins claire que celle de la cité — c’est sa fonction ; se débarrasser de l’eau de la capitale. Les branchies de XeAr le lui rappellent.

Malgré sa turbidité, on aperçoit le fond de la grotte à presque deux lieues de là.

Le plafond à peine un kilomètre au-dessus de XeAr montrait des veinures étranges.

Avec le temps et le mouvement perpétuel de l’eau chaude, l’érosion a creusé les roches tendres. Les courants se sont chargés de dessiner de jolies fresques géologiques.

La grotte est le plus grand des prolongements naturels de la capitale, d’anciennes bulles de magma.

Le regarde de XeAR remonte le long des veines volcaniques qui relient les deux cavités dans un système de convection thermique spontané. Les p’Aoriiu les ont transformé et optimisé créant de nouvelles structures en un mouvement hélicoïdes ; les Spirales des Marées Éternelles.

L’eau chaude remonte de la cité vers cet aven, cet immense réservoir, elle s’y refroidi pour être évacuée, purifiant au passage tout le système.

Cette exhalation lente maintient la vie.

XeAr sent immédiatement la différence : l’eau lui est plus chaude, plus chaotique. Elle a quelques degrés de plus, pas brûlante — juste assez pour qu’on la sente aux branchies, comme une tiédeur confortable.

Le débit de ces immenses structures crée des courants chauds et froids qui s’affrontent et tourbillonnent — d’où le nom de « Grotte des Tourbillons ».

L’eau chaude s’écoule depuis le haut de la caverne, pour aller se jeter au fond, à deux lieues, dans des fractures et failles éparses. Finalement elle s’écoule à nouveau propre et à température normale, quelques dizaines de lieues derrière la mégapole, de l’autre côté de l’ancienne dorsale.

Les yeux de XeAr quittent les anfractuosités de décharge, équipées de filtres de sécurité. Initialement l’endroit n’était pas ouvert au public. De petites balises Blanÿdro clignotent comme des calamars-lucioles, signalant les conduits d’évacuation. Elles émettent des signaux lumineux avec une signature thermique spécifiquement identifiable sous l’eau. La zone de loisir est clairement délimitée et bien protégée par la douce magie du maillage de ces balises. Là-bas l’eau a un goût subtil de quartz réchauffé.
XeAr ne sent pas cette pression mentale qui le hante en ville.

xxsioo et  lui quittent la plate-forme maintenance, bordée de gyrophares et de crochets pour les équipes techniques. Deux rampes s’en détachaient : l’une vers le poste de secours facile à repérer de sa couleur safran. De l’autre côté différents kiosques ; nourriture, partage de matériel, ballons de chutes, vestiaires et souvenirs. C’est autant un lieu de loisir et de détente que de curiosité touristique.

Malgré la foule, XeAr aime bien.

Ils ont rendez-vous plus loin, à leur repère habituel où ils grignotent toujours des bigorneaux.

NaOH ne semble pas être encore arrivé.

Tant mieux : il aurait le temps d’aller chercher des palmes.

Il n’a que ses palmes de ville, elles sont pratiques pour les manœuvres rapides des couloirs, dans la foule mais ici.

  • Je te prends un cornet ? » Lança xxsioo.
  • Humm oui tiens, un petit s’il te plait, je vais en profiter pour laisser ‘toutes’ mes affaires au vestiaire. » D’un clin d’œil complice, sur le « toutes » » ; mes affaires.
  • Vous me laissez faire les sales besognes de larbin… » Répond la Jobotahe, d’un bras ondoyant.

XeAr est déjà arrivé au guichet de partage avant que son ami ait fini son sarcasme. Il choisit une paire de palems orangée, celles des techniciens des canalisations, lorsqu’ils font leurs inspections. Cela fait longtemps qu’il a envie de les essayer, c’est l’occasion.

Après avoir déposé ses affaires et ses soucis au vestiaire comme ils l’avaient convenu ; il chausse. Une fois ses pieds dedans, un léger ajustement. Elles lui procurent un sentiment d’efficacité professionnelle, une force empruntée. IL kiffe bien.

Dans une nage de découverte, il rejoint xxsioo qui tient un cornet à la main et de l’autre NaOH.

  • Vous arrivez ? » Lui demande ce dernier en voyant arriver XeAr.
  • Comme tu vois. Cette andouille m’a pas dit qu’on venait. » tout en l’enlaçant.
  • Toi ! Tu es un génie, tu as compris le principe de la surprise. » Lui répond moqueur NaHO.
  • Allez ! montre-nous tes palmes. » S’exclame XeAr, tandis que xxsioo lui tend le cornet, mains nues.

NaOH est un p’Aoriiu plutôt râblais et trapu, mais plus gras et petit que XeAr.

Il tend un pied.

La palme a des nervures grenat, profilée en demi caudale d’orque. Mi-souple, elle est profilée pour être nerveuse. Elle tient bien la cheville, le système qui les solidarise est très discret. Ainsi accaudé il peut nager de sirène avec ses puissantes jambes trapues.

Il est très musclé, c’est un grand sportif, il participe et gagne beaucoup de courses.

Son visage rond est éclairé par de petits yeux malicieux olivâtre, enchâssés dans ses pommettes rosées.

  • Hé bien elles ont l’air taillées pour la chasse ! Tu dois te faire de sacrés sprints… » Sourit XeAr.
  • Je viens de faire trois ou quatre petits tours. Je suis arrivé un peu en avance pour les essayer. Elles sortent de leur emballage et je ne voulais pas trop passer pour un alevin. » Avoua NaOH.
  • On y va ! » Demande xxsioo en remettant ses gants qui transforme ses longs doigts en véritables pagaies.
  • Le denier en haut est de corvée ! » Clame NaOH en s’élançant sournoisement.

xxsioo claque des talons.

Ses bottes libèrent les membranes de ses palmes qui s’ouvrent comme des fleurs.

Ce sont deux belles marinoptère argentées, longues, effilées plus longues que celles de NaOH.

En « configuration-nage » et en une ondulation du bassin il se soulève du sol.

Dans le même mouvement, ses palmes se solidarisent en une nageoire unique — scellée par une impulsion magique.

NaOH l’imite.

Déjà accauder, ils filent vers la paroi.

XeAr s’est fait surprendre mais il se dit en guise d’excuse qu’il n’a pas des palmes de compétition.

Les deux premiers filent vers le courant d’ascension. C’est un majestueux tourbillon qui lèche la roche et couvre presque la largeur de la grotte, créant ce mouvement ample de spirale.

Ils progressent doucement dans la colonne d’eau, vers les gigantesques bouches d’arrivées d’eau.

C’est l’eau réchauffée par la Cité qui se déverse sur toute la largeur de la grotte. XeAr aime bien cette sensation sur son visage. Les structures font des dizaines de mètres balisées elles aussi par de petites lumières clignotantes Blanÿdro.

XeAr suit ses amis dans le tourbillon d’eau froide ascendant. Ils nagent rapidement dans le mouvement hélicoïdal.

Ils viennent souvent à ce moment de la journée, car il y a peu de monde et les courants chauds ne sont pas violents.

Pour l’essentiel, ce sont les eaux froides qui sont rapides, et ça s’accélère seulement vers la moitié du parcours. La majorité des gens choisissent de venir plus tard, préférant des températures plus clémentes, chaudes. C’est plus agréable et c’est plus familial ; les enfants se régalent. Comme tous les enfants, tous les trois ont découvert la grotte de cette manière.

XeAr commence à rattraper NaOH avec ses larges palmes de technicien. Il ne les a pas accaudées préférant battre des deux jambes, comme les chasseurs de sa région.

Ils continuent la grimpée, portés dans la colonne d’eau principale ; « le pog » — les larges spirales permettent d’en profiter au maximum.

Après être montés de plusieurs centaines de mètres assez doucement — afin de se chauffer les muscles — ils finissent une boucle. En revenant près de la paroi XeAr fait signe. Les trois amis quittent le ‘thermique’ pour aller frôler la roche nue. Seuls les nageurs aguerris s’y risquent, là, un mince couloir de friction accélère brutalement la montée. « Le propulseur », coincé entre la colonne d’eau et l’escarpement, un courant rapide et secret, réservé aux « fretins » qu’ils sont.

XeAr accaude ses palmes. L’eau devient plus dense. Leurs corps vibrent, happés.

Ils serpentent comme des algues, vrillant sur eux-mêmes pour gagner en stabilité. Plus vite que des bulles, ils grimpent à l’aplomb.

NaOH rencontre en premier le courant d’arrivée, « le ciuda ». L’eau le frappe comme un mur invisible. Il est freiné net dans sa vertigineuse montée. Il se trouve soudain figé, à quelques mètres des déversoirs.

Ses bras tendus sont repliés aux épaules, ses jambes emmenées en arrière.

Il ferme les yeux, suspendu — puis est projeté comme un fétu, plusieurs dizaines de mètres en arrière.

Comme si son corps n’existait pas dans le débit titanesque de cette eau chaude. A mi-hauteur dans le courant il fait une pirouette par les reins et continue de nager sur le dos. Tout en se rapprochant du plafond, il voit passer XeAr d’un coup. Catapulté, lui aussi, mais encore plus loin et plus violemment.

XeAr a dû donner quelques coups avisés pour s’accompagner dans le jet d’eau. « Le coup de poing », c’est le nom de ce jeu.

Il faut monter le long de la paroi, pour être éjecter par le puissant courant des bouches d’arrivées.

xxsioo quant à lui les double quelques secondes après. Il utilise un courant cisaillant créée entre l’eau chaude et le plafond pour accélérer. C’est l’effet de rhéofluidification, il permet de rebondir dans une sinusoïde gracieuse et d’aller plus vite que le courant principal.

XeAr trouve son petit nom plus joli ; « Nœud de Courant », parce que les eaux s’enlacent.

xxsioo a reconfiguré ses genoux, sa mono-palme est maintenant perpendiculaire à ses épaules. Il ondule comme un requin de gauche et droite.

  • Il l’a eu. » Lance NaOH sans vraiment savoir si XeAr a entendu.

xxsioo a toujours été doué en Kaironautique ; il sait super bien lire les courants. Il trouve toujours les trajets les plus sûrs, plus rapides ou plus discrets. Il a vraiment une perception intuitive des « moments opportuns ».

Les deux p’Aoriiu s’aident de leurs bras pour rejoindre aussi cette zone de ‘subito’, qui longe le plafond.

Ils profitent qu’il y ait peu de monde. Ils rasent la roche volcanique de la voûte pour profiter du tube de courant. Ils se doublent et se redoublent, donnant une tape amicale sur l’épaule de l’autre.

Chacun avec sa technique de nage : NaOH le champion, XeAr le chasseur et xxsioo la Jobotahe.

Bientôt ils atteignent à la moitié de la grotte.

Le ciuda s’est déjà beaucoup tiédi et ils ont perdu plusieurs dizaines de mètres depuis le plafond.

Dans une centaine de mètres ce courant principal se refroidi brutalement et plonge dans une marche abrupte. C’est la zone de subduction ; un ruban de front.

Il a hâte.

De l’eau chaude et légère va se confronter à une masse d’eau plus froide et plus dense.

XeAr commence déjà à ressentir la différence de l’eau chaude moins salée. Au fur et à mesure qu’elle se refroidit et qu’ils perdent de l’altitude, la salinité augmente.

Dans un échange thermodynamique complexe mais amusant, cette masse qui arrive de la cité se refroidi et elle va perdre de l’énergie, beaucoup et rapidement.

Le courant, dans lequel ils nageaient, va rencontrer un « mur » d’eau et va devoir passer. Mais il va passer par en dessous, vers le bas.

C’est un jeu pour ceux qui le connaissent : il faut quitter le courant — le ciuda — pour remonter au plafond et passer par-dessus la zone d’affrontement.

Avec quelques coups de palmes et en profitant de leur élan ils y arrivent sans trop de mal.

Il faut arriver à se glisser entre ce « mur » d’eau — dense invisible — et la roche de la voûte.

Ils se faufilent pour atteindre un peu plus loin, une deuxième colonne thermique, moins salée.

Ils y parviennent facilement, vu à la vitesse où ils arrivaient.

Ils s’élancent pour pouvoir alors tomber presque à pic au bout de l’aven.

La chute va faire presque un kilomètre, la hauteur de la grotte.

XeAr commence à le sentir, ce courant aspirateur descendant, froid et très rapide.

Ses branchies sont pénétrées de l’échange de chaleur et le changement de salinité.

Il y est, en plein dedans ; « la tombante », c’est le courant sœur du « pog ».

L’autre monte, et l’une descend.

Tous les trois sont maintenant happés par cette eau froide.

Comme des brindilles, ils précipitent dans l’immensité de la caverne et la majesté de l’espace.

La colonne d’eau les propulse vers le bas, bien plus vite que leur ascension avec « Le propulseur ».

En bas, il y a deux autres courants froids.

Le courant principal, le ciuda, continue vers les veines d’évacuations. Son allure ralentit, elle devient anecdotique à proximité des filtres de sécurité.

Juste dessous se trouve un autre courant qui retourne en sens opposé, vers les bouches d’arrivées. Les gens l’appellent affectueusement le Zéphal, car il est lent, doux et apaisant.

XeAr aperçoit déjà leur zone de rencontre, qui fait miroiter les lumières.

Il est déjà au premier tiers. L’eau devient moins salée. Tous les trois donnent les derniers coups de palmes avant d’être écrasés par ce courant descendant.

Et d’un coup, xxsioo disparaît des centaines de mètres dessous.

XeAr le suit, puis NaOH.

C’est « la claque sur les épaules », le tourbillon qui les happe. Ils choient, xxsioo est déjà parti en vrille pour garder la direction. XeAr met son bras droit incurvé et donne de violents coups du bras gauche pour prendre l’angle. La rotation commence et s’accélère très rapidement.

Leur but est de plonger, en utilisant la colonne froide de la « tombante » puis de transpercer en premier, le ciuda puis le Zéphal.

Une fois perforés on se retrouve ballotté dans tous les sens ; entre les deux courants.

Le ciuda et le Zéphal, vont en sens contraire, créant ce courant de friction ; le « fricteur bas ».

A l’intérieur on est propulsé en avant, en arrière, droite gauche…

Vlan ! ça commence, ils prennent le ciuda de sortie.

XeAr est complètement désorienté. Il a le tournis. Il sent qu’il virevolte. Il dérive encore un peu et continue de tomber puis il rencontre le fricteur bas et se sent propulsé dans tous les sens, le corps incontrôlable.

XeAr croise du regard xxsioo complètement désassemblé. La gravité fait le reste, ils atteignent le Zéphal. NaOH est en étoile, tombant vers le plancher. XeAr a désaccaudé ses palmes au premier choc.

Ils sont tous trois en vrac à une dizaine de mètres du sol. Ils se laissent porter par le courant lent et doux.

XeAr et NaOH un peu fatigués, leurs branchies à tous deux irritées. Ils se regardent les trois et éclatent rire. xxsioo propose une cavité où ils vont parfois pour se reposer. Elle est à quelques dizaines de mètres, ils y vont doucement.

Arrivés, ils s’installent sur la petite plateforme. XeAr et NaOH inhalent et exhalent profondément.

xxsioo s’assoit sur le rebord. Il laisse pendre ses longues jambes profilées et bat doucement l’eau palmes repliées. De son corps musculeux en métal, on voit l’eau qui ondule à cause du rayonnement de chaleur. Dans son dos il a ouvert ses évents thermiques. Ses jambes irradient et réchauffent l’eau, avec la lumière ça fait des reflets rigolos.

Les deux p’Aoriiu reviennent à eux, le regard vague vers la grotte.

C’est NaOH qui se retourne le premier.

  • »
  • » Répond XeAr.

Et tous les trois restent là, silencieux. Ils regardent passer les gens qui profitent du Zéphal pour revenir au hall d’entrée ou à la colonne d’ascension. Ils se saluent. La vue est magnifique. L’eau, plus claire en bas, donne une autre perspective. Malgré la grande distance on distingue les bâtiments safran de secourisme et les déversoirs. Pourtant ils ne sont même pas à cinq cents mètres de la fin de la grotte. XeAr peut voir les fissures d’évacuations balisées les lampes Blanÿdro et filins de sécurités. Les lumières de puissants projecteurs lancent leurs rayons à travers les différentes masses.

Elle est vraiment très belle cette grotte.

Tous trois regardent maintenant arriver un groupe de jeunes qui essayent eux aussi le même petit jeu. Les premiers, plus costauds, passent assez facilement, l’élan et le poids. Les dernières silhouettes sont plus fluettes et éprouvent des difficultés. XeAr, NaOH et xxsioo échangent des regards. Ils ont vu la même chose.

C’est xxsioo qui parle.

  • Cette fois ci, c’est ton tour XeAr.»

Sans protester, il détend ses jambes. Il fait quelques mouvements et se laisse tomber de la plateforme,  accaude ses palmes. Il nage hâtivement, vers le petit groupe. Il franchit vite les quelques cent mètres qui les séparent.

Il voit mieux. Une des dernières silhouettes n’est pas arrivée pas assez vite. Elle n’a pas pu traverser le mur d’eau. Elle se trouve projetée en aval. Ses amis sont déjà loin, rapidement lancés par le Zéphal.

Cette dernière personne est emportée. Un des costauds du groupe voit la déroute et essaie de revenir pour la secourir, mais trop fatigué, il n’arrive à rien. Le faible courant a raison de lui, le ramène vers l’entrée de la grotte.

XeAr lui, nage à contre-courant. Il redresse son axe. Quelques coups rapides et secs pour s’extirper, il rejoind le ciuda. Ça va mieux maintenant, il a accéléré en direction de la silhouette.

Il croise à toute vitesse les jeunes. Leurs combinaisons de nodulistes, utiles aux très grands fonds mais peu pratiques pour nager, sont totalement inadaptées ici.

Il leur fit signe — je m’en charge.

Le groupe et le costaud, épuisés, répondent par un simple sourire de remerciement.

Très rapidement, il arrive à hauteur. Il rattrape celle qui s’est faite prendre dans le courant.

Ils approchent des filins de sécurité. Le ciuda se fait plus faible, diffus par les bouches de sorties éparses. XeAr à l’habitude et profite du redoux.

Il la saisit part la cheville.

Se cabre pour offrir plus de résistance.

Ils ralentissent.

D’un coup sec, il l’attire vers le bas.

Leurs regards se croisent. Elle paraît à peine surprise.

Elle saisit la main qu’il lui tend.

D’un signe de tête, il lui indique de descendre. Il l’aide en nageant vers le courant de retour. Sa main dans la sienne, tendue le long du corps. Il la tire ou l’attire vers le sol, tout en faisant attention à elle.

Ils sentent doucement leur direction changer. L’eau du Zéphal est un peu moins froide. XeAr redresse leur position pour nager à l’horizontale. Il la saisit des deux mains pour mieux assurer sa prise, il nage sur le dos, pour la surveiller.

Elle donne à peine quelques coups de palme. Visiblement trop épuisée.

Elle a gardé ses palmes de ville, courtes et rigides, totalement inappropriées pour leur petit jeu.

Elle relève doucement la tête dans sa direction, sentant qu’il fait le plus gros du travail. Leurs regards se croisent. D’un clignement de l’œil, il lui indique de ne pas s’en faire. Il peut nager pour eux deux.

D’ailleurs… il la guide vers un coin pour se reposer, juste là. Il lance sa main droite pour s’accompagner dans ces derniers mouvements.

Il l’aide à s’asseoir contre au rebord d’une corniche.

Puis, d’un geste tendre, sort de son sac à flanc une barre d’algue vitaminée. Une homeyostase de sa composition.

  • Recette perso. » En souriant.

Quelques filtrations d’eau plus fortes, elle accepte. Elle croque à pleines dents ; ça va la booster.

Elle ferme les yeux. Se détend. Elle arrange ses cheveux.

XeAr n’avait pas fait attention mais elle est très belle. Sa combinaison est d’un ambrée clair, le long de sa nuque un rebord rouge descend dans son dos et repasse sur ses hanches.

Sur le ventre une petite spirale, vermeil qui rappelle le rebord de sa nuque.

Elle a des yeux magnifiques, mis en valeur par un simple maquillage qui ajoutent au mystère.

Elle masse ses jambes endolories de cette aventure. Elles sont froncées de dentelles à mi-cuisse, un joli ivoire rosé, qui remontent au-dessus du genou.

Elle finit de se recoiffer avec les mains, gantés en simili-broderies. Ses manches nacarat et longues ondulent dans le courant.

Ses cheveux roux flamboyant s’échappent légèrement de son voile cobalt soutenu. XeAR l’aide à s’arranger d’un geste bienveillant. Elle se laisse faire. L’eau a un arôme doux et légèrement épicé, une note anisée sur une exhalation courte.

  • Merci » Dit-elle simplement.
  • Vous êtes encore plus jolie comme ça. »
  • Je voulais dire pour… »
  • Votre imprudence ? »
  • Je n’aurais pas dit ça si franchement, mais en effet… »
  • Hummm voilà. » Dit-il en finissant d’attacher son voile de coiffe. 
  • J’ai l’air un peu stupide… »
  • Je n’aurais pas dit ça si franchement. » Pour reprendre ses termes à elle et d’ajouter,

« Disons ‘novice’ je suppose que c’est une des premières fois que vous venez ? »

  • La deuxième oui. »
  • XeAr enchanté ! Vous ferrez plus attention la prochaine fois et vous vous amuserez, promis. »
  • AgI… » répond-t-elle en se relevant, dans un parfum complexe, à la fois frais et miellé de notes chaudes aromatique : « … elles sont très bonnes vos barres d’algues. »

Il la regarde en levant la tête, les yeux à la hauteur son pubis surligné de pourpre. Ses seins en contre plongée dans un bonnet écru, elle lui tend la main.

  • Adaptation personnelle d’une recette de ma région natale. » Dit-il en la saisissant pour se lever à son tour.
  • Nous devrions rejoindre nos amis. » Son voile de coiffe remis en place, prolonge le synthé-peau de soie, des oreilles et descend jusqu’à son cou.
  • Après vous. » Dans une déférence pleine d’humour.

Ils partent tous les deux vers la plateforme où les attend les deux groupes. XeAr présente AgI à ses amis. Elle, à ses huit camarades. NaOH propose de revenir doucement et d’aller se reposer devant quelque chose qui redonne des forces pour refaire un petit tour.

Tout le monde accepte.

Ils remontent la grotte au grès du Zéphal. Ils vont dans un petit coin creusé à même la roche, dans un naturel somme toute esthétique. Endroit branché où se croisent les étudiants.

Installés, ils peuvent voir nager les gens.

Deux berdaches et une fille accompagnent xxsioo pour aller chercher à grignoter. La Jobotahe a fait signe à NaHO qu’ils avaient assez de huit bras, l’invitant à rester avec le groupe.

AgI est elle aussi dans la même université que xxsioo, NaOH et XeAr. Elle est étudiante en Cijh-lec, première année avec ses deux amies berdaches assises juste en face. La fille et les deux garçons, sont en écoles d’art. Les trois qui sont avec xxsioo, eux sont apprentis.

Tous ensemble ils découvrent la capitale avec sa grotte des tourbillons.

AgI s’est faite avoir, mais on ne l’y reprendra plus.

NaOH de son expérience de compétiteur, la rassure, elle et ses amis.  Ce petit jeu est difficile. C’est en faisant des erreurs qu’on apprend, d’un ton rieur.

  • Je me souviens, nous étions venus tous les deux avec XeAr. Nos parents étaient inquiets de pas nous voir revenir. Mais ils sont tellement marrés en nous voyant arriver avec les techniciens qui nous avaient récupérés. » Renchérit NaHO.
  • On avait tellement honte. Leurs rires et leurs câlins nous ont fait du bien. » Confirme XeAr.

Curieuse une voix dans le groupe s’intéresse et demande dans quelle branche ils sont ?

C’est NaHO qui répond le premier, il étudie en Cijh-lec spécialité Exlec.

AgI est très intéressée, car elle hésite entre Exlec ou Ectec. Mais comme elle est encore en première année. Elle fait ses généralisations avant de vraiment choisir. Elle aime bien l’idée de participer à l’entretient et le bon fonctionnement de nord’I. Ça doit vraiment être grisant de pouvoir être à leur contact direct, peu importe la spécialisation, technique ou logicielle. Elle et plusieurs autres entament des échanges animés autour du sujet.

XeAr en profite pour demander un peu à part à xxsioo.

  • Comment tu la connais la Jobotahe? » Demande-t-il sincèrement curieux.

xxsioo un regard tendre lui répond.

  • On était voisins, c’est une amie d’enfance, nous avons partagés les mêmes cuves Germinode… »
  • Quoi ? Mais alors vous avez grandi dans la même culture Bouturhine? C’est trop cool ! » le coupe plein d’enthousiasme XeAr.
  • J’y suis resté, jusqu’à ce que mes parents déménagent au village. C’était tout juste après ma mue. »
  • Je me rappelle, elle n’était pas totalement polymérisée ? Mais ce n’était pas trop tôt pour toi de faire ce voyage ? »
  • Oui, mais ta grand-mère m’a beaucoup aidé pendant cette période de transition. »
  • Tu l’avais dit pendant ton discours pour son Épanuitude. Il était émouvant. Rien que d’y penser… » Dit Xear, la voix pleine de souvenir.

Il y avait beaucoup de monde à sa cérémonie pour lui dire un dernier aurevoir. Au plus près du village, la communauté avait choisi un champ pour y creuser son Biosillon. C’était sur une belle colline avec une vue imprenable. Ils étaient nombreux ceux qui avaient participés, de leur main à creuser ce long sillon. Tout le village avait déposé les graines mélangées à son corps pour lui rendre hommage.

Tous les deux se regardent, souriant et joyeux.

  • Elle m’a énormément soutenu, ce changement c’est toujours délicat pour une Jobotahe. Mon ami a choisi son état et moi j’ai laissé faire le hasard, et me voici. »
  • C’est super ça, du coup maintenant il fait quoi ? »
  • Il est à l’entretien comme tu as vu mais il est aussi mannequin. Il est venu avec sa fille, il a quitté le village. Il a rencontré une superbe p’Aoriiu. Et ça semble aller pour eux… »

La conversation est interrompue par l’agenda de XeAr.

  • Mince c’est déjà l’heure ? » Dit-il surpris lui-même.
  • … » Demande xxsioo.
  • Je mange en famille ce soir. »
  • Il y aura Uzeanu ? » Super content.
  • Non y peut pas il a aqua-narval… Mais bien sûr qu’il sera là, c’est un bébé. ».

xxsioo acquiesce d’un rire bonne enfant, tout en faisant un signe par côté ;

  • Il s’est encore fait des amis. » Dit-il en désignant NaHO.
  • Quelle surprise ! Si on l’abandonnait seul au pôle sur la banquise. Au bout d’une semaine il serait copains avec tous les pingouins. » Approuve-t-il tendrement.
  • Ce ne serait pas de la torture ; c’est pour la science. » Lance xxsioo ses longs bras ondoyants.
  • Pour la science. » Approuve XeAr en se levant pour y aller.

Il enlace mi-moqueur son ami. Cela donne l’occasion, pour le groupe, de proposer de refaire un petit tour. Accepté à l’unanimité.

XeAr dit au revoir à tout le monde. Il embrasse son ami qui lui lance un regard interrogateur. NaHO se tourne dubitatif vers xxsioo. Discrètement, en langage de guerre il signe :

  • Il va chez ses parents pour manger.» Ses doigts ont à peine bougé, le visage discrètement penché pour dicter les micro-expressions de sa phrase.

NaHO compréhensif rend l’accolade à XeAr.

L’assemblée se prépare pour aller faire un dernier tour.

D’un clin d’œil complice, il promet à xxsioo de le chercher le lendemain pour rejoindre NaOH à la bibliothèque. Ce qui est convenu.

XeAr les quitte.

Le groupe recomposé se dirige vers le « pog ». Ils partent dans un tumulte de jeunesse dans le courant ascendant, faisant la course, se rattrapant et s’amusant.

XeAr part récupérer ses palmes. Il remercie la personne au guichet, s’attardant un peu sur le plaisir qu’il a eu d’essayer ce modèle, pendant qu’il remet les siennes. D’un geste de la main, il dit au revoir et nage le long de la rampe pour regagner la sortie.

Son corps flotte dans l’eau tiède, léger et serein.

Il se pose sur la plateforme d’entretien. L’ami de xxsioo l’a vu et lui ouvre. Il passe le sas, sentant le léger changement de goût et de température de l’eau. XeAr remercie la Jobotahe et plonge dans les couloirs des sousharroyeurs.

Il tire au passage un magazine d’un distributeur et va s’assoir sur un banc en attendant sa navette.

Des nouvelles de l’empire. La rame entre à quai. D’un bond, il y entre et se dirige vers une place libre pour continuer sa lecture. Cette ligne est directe jusqu’à chez ses parents, presque au terminus.

Il se demande s’il prendra les transports pour les deux arrêts restants ou si ira-t-il à la nage. Il verra bien.

Il reprend où il en était, les nouvelles de sa région. Les migrations sont en avance cette année, et les récoltes sont assez bonnes dans l’ensemble. Quelques nouvelles de glem ga po gui, la cité des champs de romance, dont son village est le vassal. Un cambriolage d’un stock de labeurs retient son attention. C’est du piratage ; souvent les contrebandiers les revendent en principe aux nodulistes qui exploitent des champs dans des zones illégales. Dans l’article, les autorités penchent pour des combats illégaux.

XeAr lit en souriant car il connaît un peu eldmI dont dépend ga po (cité de champs)

Il relit le paragraphe. La tournure l’intrigue. Il en parlera à ses amis. Pas à fetyW — pas encore.

Oui, à ses amis ça sera plus judicieux. S’auto-approuve-t-il dans un rire interne et espiègle.

Il lit encore quelques pages. La navette ralentit. Il arrive à destination.

Il sort de la rame.

Quelques jeunes flânent dans les couloirs.

Il s’engouffre dans l’escalresse qui le ramènent à la surface, il aime caresser les vers claveline, tout doux et agréables, le long de son parcours.

Il y a encore un peu de lumière, finalement il préfère marcher plutôt que de nager.

Ses parents habitent en périphérie de l’entrée de la grotte, pour leur travail. Ici l’éclairage est plus doux, afin de ne pas trop perturber l’écosystème. Cela évite que des algues et des animaux ne prolifèrent.

Mais avant…

Il regarde autour de lui, et s’approche d’un grand corail en forme de coque.

Déchire son magazine. Les morceaux tombent.

Des milliers de petits cils se précipitent, des petits poissons viennent picorer. Les plus téméraires viennent sur ces doigts, une caresse tendre au zoïde. Il vérifie qu’aucun morceau n’y ai échappé et il reprend sa route doucement.

XeAr est en peu surpris de trouver encore un peu de lumière et il décide d’en profiter pour reprendre à la nage le peu de chemin qui lui reste.

Il a rechangé d’avis, il s’en amuse.

Autour de lui, les rues sont calme, il longe les habitations basses, des Badajia simples mais fonctionnelle. Ça lui rappelle son village ils en ont des semi-enterrées, accrochées à des falaises. Elles sont conçues pour résister aux courants forts. Ici c’est inutile, on les utilise surtout pour leur simplicité et elles sont plus discrètes que le Kombloqs du centre-ville.

Signature de la périphérie.

XeAr lève instinctivement la tête, l’entrée de la grotte immense, si haute. Plusieurs ombres massives de Réis et de Balainnes, glissent dans un silence majestueux au-dessus de lui. L’espace est dégagé exprès, justement pour permettre leur passage en altitude. Il les regarde, rêveur.

Puis il reprend sa nage parmi les maisons. La plupart sont des Baharimbas familiales, comme celle de ses parents, ou des Aquajins pour une personne célibataire ou deux.

Jouant avec les lumières, sur les collines proches de l’entrée de la grotte, il reconnaît des Lwandorias. Il est trop loin, mais normalement on peut les sentir vibrer doucement. XeAr aime beaucoup ces habitations sculptées, faites de récifs artificiels intelligents. Elles s’intègrent parfaitement à l’environnement. Mais surtout elles changent de couleur selon les saisons ; elles renvoient des nuances chaudes de cuivré et d’ambre rouge. XeAr préfère leur prochaine variation, dans plusieurs mois, une multitude de bleus qu’il aime beaucoup.

Ce quartier est le plus grand Ileomis, le poumon résidentiel de la cité. Les allées dans lesquelles il nage sont spacieuses, prévues pour la circulation au sol. Partout, les résidences sont entourées de jardinets, plus ou moins portager, parfois juste esthétique, mais toujours pour le plaisir. Il effleure au passage une touffe de kelp doré, comme il le faisait enfant.

XeAr arrive à sa destination. Il ralentit sa allure.

Il salue sa voisine ; o’oTd et sa nouvelle compagne.

Il s’arrête.

Il sent l’eau familière sous la pression des embrassades. Il prend des nouvelles, donne les siennes, ancrant son retour par cette chaleur intime.

Il échange encore un mot avec un autre voisin ; UzOe, puis, avec un dernier coup de palme, il rejoint la Baharimba de ses parents.

XeAr appelle à la porte de chez ses parents. Elle s’ouvre en corolle.

  • » Lance XeAr.

Figz lui sourit, superbe dans une robe pourpre qui met en valeur son gros ventre. Sa coiffe discrète descend sur ses omoplates, dénudant ses épaules et dégage sa gorge. Son cou blanc serti d’un collier serré où brille une perle que lui a offert Dergfe (prononcer dèrgue fée).

  • Ravie de te voir aussi. » Répond-elle en l’embrassant.

Une voix résonne depuis la pièce du fond :

  • XeAr mon grand frère. »
  • Tu es superbe Figz, tu le sais. Ça se passe bien ? »
  • Oui assez bien, ta sœur est au petit soin avec moi et il ne me reste plus que quelques semaines. »
  • Avant que je sois à nouveau tonton. » Dit-il en enlaçant sa sœur qui arrive à son tour.

Dergfe porte son uniforme d’Exlec ; noir souligné sur toute la silhouette par un liseré bleu électrique. Son insigne au-dessus du sein droit, presque à la clavicule. A gauche, un scratch vide sur lequel on y place d’habitude son distributeur. Il est posé derrière, sur la desserte des convenances avec sa coiffe réglementaire. Elle a les cheveux bruns complètement détachés qui ondulent tout autour d’elle. XeAr continue de la scruter, elle a des bottes en cuir de mégaptera-recyclé qui remonte au genou — un peu comme celles de xxsioo. A mi-cuisse, brodés aussi de dentelles, un holster accroché à une ceinture vermillon.

Son ventre est bien redevenu plat, on ne dirait pas qu’elle est une jeune maman.

Elle porte au flanc un contacteur.

  • Désolée, je suis d’astreinte, c’est pour ça que je ne me suis pas changée. » Dit-elle en suivant le regard de son frère.

D’un geste de la tête il lui fait comprendre que c’est grapave et qu’il est content de les revoir.

Leur père apparaît, tenant son neveu dans les bras. Le petit est mignon. Il a encore grandi et dans ses vêtements azur il est adorable. Uzeanu s’amuse avec les nattes épaisses de cheveux que son grand-père laisse flotter sans coiffe. Bras nus avec un simple ensemble moulant. Ils s’embrassent, échangent un regard complice, quand XeAr a vu les nattes de son père. Ils échangent quelques mots vjeoz, le dialecte de leur village — un son doux, roulé comme une vague. (prononcer fioch).

D’un sourire, XeAr s’approche. Son père en profite pour lui donner son neveu dans les bras.

  • Tiens, fais-lui faire un tour, je vais voir ce que fait ta mère. » Dit-il en partant d’une nage gracile à l’étage.

XeAr en profite pour faire un câlin à son neveu. Il n’a que quelques mois, mais veut déjà essayer de nager. Il se débarrasse de son sac à flanc sur la desserte, à côté des affaires de sa sœur.

Figz se dirige vers l’oecus. Un peu fatiguée par sa grossesse, elle s’assoit dans un fauteuil de corail brun d’acropora et de douce soie de physalie. Sa compagne et XeAr suivent. XeAr avec son neveu dans les bras. Il pénètre à son tour dans le salon par une arche finement sculptée, une eau parfumée emplie ses branchies.

L’oecus est une pièce plutôt grande, rectangulaire.

Il y a plusieurs fauteuils confortables de différentes formes et différentes hauteurs : deux bleus Majorelle, un vert tendre sinople et trois jaunes orangés. Les six sont disposés autour d’une table basse en marbre bleu aux veines violettes.

Accrochés aux murs quelques tri-portraits.

XeAr s’assoit dans le creux de son fauteuil préféré le sinople en cuir de somniosis-recyclé. Et il installe Uzeanu sur son ventre.

Sa sœur va vers un meuble et sort différentes boîtes qu’elle dépose sur la table de convenance hospitalière. Dergfe ouvre les pots et tend quelques mollusques à son frère et à son fils.

Les voilà tous trois et demi en train de discuter des études de XeAr, du poste de Dergfe, la grossesse de Figz et des progrès d’Uzeanu. Il dort bien, laissant un peu de temps à ses génimères.

Figz a arrêté son travail ; elle peut s’occuper de son fils. Cela évite de devoir le faire garder. Comme ça Dergfe a pu reprendre son activité. XeAr reconnaît bien là sa sœur qui ne pouvait pas rester à « ne rien faire ». Dergfe propose quelques petites choses à grignoter à Figz et aussi histoire de changer de sujet.

Elle lui montre un coquillage que la future maman décline, mais préfère les petites linckia. Dergfe lui en tend une petite poignée. C’est ainsi que leur mère les trouve à discuter assis dans des sièges de mousses de glem ga (champs de romance) ou de corail d’acropora.

XeAr se lève pour aller l’embrasser, son neveu à moitié endormis dans ses bars. Elle les enlace tous les deux tendrement, faisant attention de ne pas réveiller Uzeanu. Elle est superbe, un voile de coiffe très simple, dans une combinaison ample vert menthe. L’eau autour d’elle dégage la même senteur agréable.

Ils continuent de papoter avant que leur père ne les invite à passer à table.

C’est Figz qui a cuisiné, elle s’y était mise profitant de sa grossesse.

Et c’était une réussite.

Ils ont plaisanté et se sont amusé.

XeAr a même eu le soin d’aller coucher son neveu.

La soirée a été agréable.

Il est content de redormir dans sa chambre, à côté de celle de sa sœur.

Chapitre 8

XeAr se réveille aux babillements cristallins d’Uzeanu que sa sœur a posé sur son ventre. Il regarde ce petit bout de bigorneau de vie qui lui grimpe dessus. Son regard décrit sa chambre pour croiser le regard de Dergfe

  • Tu vois, je n’ai pas été appelée hier soir. ». D’un ton de sororité, nageant au-dessus de lui.
  • Petit dèj ? » Répond-t-il en souriant ?

Dergfe l’embrasse sur le front. L’eau vibre, y laissant le sillage tendre de sa présence.
Elle reprend son petit d’un geste fluide.

  • Mon fils, tu ne dois pas devenir comme ça plus tard… on t’attend. Je descends. »

Elle sort de la chambre en nageant et disparut sans un bruit, ses pieds nus ondulant dans l’eau tiède.

De la paroi, les pétales translucides se déploient en spirale, les sépales se déplient avec un chuchotement d’eau. À la jointure, le calice et la corole s’illuminent brièvement d’un halo bleuté en se scellant — un soupir, puis tout se fige, étanche. L’ensemble — le périanthe — s’opacifie dans des couleurs tendres.

Le silence fleurit, la chambre est close.

XeAr s’étire de tous ses membres.

D’un coup de rein, il s’élève, le corps encore alourdi par le sommeil. Il désactive le chauffeur de sa couche. Une vague de fraîcheur vive lui monte le long du corps.

Il rejoint l’armoire.

Il jette un regard à sa chambre.

Un brin de nostalgie posé sur son œil, qu’il cligne.

Son regard se pose sur son bureau bien rangé.

Un sentiment doux, la saveur sucrée des souvenirs, se diffuse dans l’eau autour de lui. Au-dessus, une image encadrée et des jouets. D’un mouvement d’épaule il se rapproche et prend le cadre de l’étagère.

Il l’incline à l’horizontale et le Zymos déploie en relief l’image de la scène.

D’un geste mélancolique mais pas triste, il caresse les silhouettes. NaOH est au milieu qui brandit son prix, de part et d’autre, lui et xxsioo qui était revenu exprès de ses vacances. NaOH avait fait une superbe course ce jour-là. Une immense joie sur son visage, le trophée en corail blanc à la main. Il représente une paire de palmes enlacées, comme s’il s’agissait d’un couple d’hippocampes.

Elles sont plantées dans un socle de Sarrancolin légèrement rosé et gravé. L’année de cette édition ; 827, précédée du cycle de vie — le 7éme.

Trois ans ! C’était déjà il y a trois ans.

Avec le travail qu’il a cette année, il n’y participera pas ; il n’y participera plus.

Dommage, c’est une date importante, elle va fêter son anniversaire des 31 ans. Ça aurait été bien qu’il puisse la faire à cette occasion. Il repose la pseudo-tridi du Zymos et caresse au passage la tête usée de sa peluche de tortue. Les souvenirs remontent en même temps qu’elle diffuse son odeur de réminiscences. Elle est posée à côté de son vieil harpon de chasse.

Un sourire éphémère.

Les rochers sombres et les forêts d’algues reviennent un instant : les chasses avec xxsioo. Ils finissaient dans les marmites-éponges en bordure du village.

Son regard continue sur les murs couverts de souvenirs, qui ne sont pas si vieux tout compte fait.

Son estomac gargouille et le rappelle à la réalité.

Sur son armoire il y a encore un vieux jouet, un labeur rouge orangé. Un modèle agricole, il ne peut s’empêcher de le prendre, de s’amuser avec les articulations et lui donner des poses.

Comme quand il était petit.

La maquette tient dans la main, en vrai c’est un imposant baharikazhine. Une sorte d’armure, un engin pour les travaux lourds. Ils sont utilisés pour déplacer des charges massives ou mettre en place des infrastructures. Parfait pour l’agriculture et les eaux profondes.

Son grand-père avait le même modèle, avec des moteurs puissants à reptation métallique. Il lui avait fait un cours sur la différence avec les rotor/stator, moins puissants.

« Ceux-là ils, ils ont énormément de couple. Comme toi, tu as de la force avec tes muscles. C’est comme ça qu’ils marchent ces moteurs. »

Sa voix résonne encore dans son souvenir.

Comme il n’y a plus d’engrenages de démultiplication, les engins sont hypers compacts.

Il y existe des modèles hybride.

Pourtant, enfant, et toujours maintenant il aime bien ce type de labeur en particulier.

Il le préfère aux Lwandushini des nodulistes par exemple, ou encore les magnifiques Peinexos.

C’est vrai qu’ils sont très beaux ces modèles scientifiques, il a pu en revêtir un. Pendant une campagne de prospection sur un rift profond. Il avait particulièrement apprécié les protections thermiques lorsqu’ils étaient près du volcan pour faire des relevés.

XeAr ressent la mélancolie qui traverse sa colonne vertébrale, il n’est pas triste, mais il n’apprécie pas du tout cette sensation.

Il repose son jouet à côté d’une autre peluche, une limule.

La pensée vacille, et le souvenir retombe comme un sédiment.

Machinalement il ouvre un des tiroirs. Sort un boxer gris et un juste au corps blanc. Pour tout à l’heure.

Il arrange sa longue chevelure. Elle s’était un peu libérée dans la nuit. Puis il va rejoindre sa famille pour le petit déjeuner, ses vêtements à la main.

  • » Lance-t-il et embrasse tout le monde.
  • Bien dormi. » Lui demande son père.

Il lui répond d’un hochement de tête tout en venant autour du repas. Il pose ses vêtements à côté de lui et se sert de quelques mollusques.

  • Alors, XeAR… tes recherches ? Comment ça se passe ? » Demande sa mère.

Son père, regardant par la fenêtre qui donne sur les profondeurs bleutées, ajoute.

  • Oui, XeAr. On t’a trouvé un peu… distant, ces derniers temps. C’est toujours cette affaire qui t’obsède ? » Il se tourne vers son fils, son ton est sincèrement intéressé.

La tension s’épaissit dans l’eau ambiante. XeAr prend une grande inhalation.

  • .. oui, enfin… c’était… J’ai eu des pistes intéressantes, mais… rien de très concret, en fait. » Répond-il un peu hésitant, croquant mollement son mollusque.

Sa contingence rend l’eau de table plus dense, presque lourde à avaler.

Figz et Dergfe échangent un regard discret. Figz pose sa main sur celle de Dergfe, un petit sourire complice. Sa compagne se lance, la voix curieusement ferme.

  • Papa toi qui était Cijh-lec, tu sais comment fonctionne la nord’Iës elle est complexe. Chacune est unique. Lâche-lui les ouïes » Dit Dergfe en prenant un peu la défense de son grand frère. (point d’ironie)

Il y a eu un peu plus d’électricité et d’ironie qu’elle le voulait, Figz vient à son renfort.

  • Elle n’a pas tort, ça serait dommage de gâcher ce beau début de journée en parlant de vieux dossiers sédimentés. N’est-ce pas XeAr ? » Appuyant sa compagne avec un clin d’œil.
  • On ne veut pas gâcher, les filles. On se fait juste du souci ; c’est plutôt bon signe de d’inquiéter pour ceux qu’on aime, non ? » Demande la mère en soupirant doucement.

La diplomatie à l’état brut.

Que veux-tu répondre à ça’ ; glisse doucement au milieu de la pièce.

Imparable.

  • C’est vrai. On a l’impression que tu portes le poids du monde sur tes épaules, XeAr. » Approuve son père.
  • Ha oui… faut reconnaître … Ils ont raison. » Concède Figz le ton redevenu un peu plus sérieux. Elle ajoute ; «  Je parle pour moi, mais je crois que ta sœur est d’accord ; ça nous préoccupe aussi. » Tout en la regardant.

Dergfe acquiesce. Sa voix est douce mais ferme.

  • Tu peux nous parler si ça ne va pas. »

Le silence retombe, épais.

XeAr sent la chaleur de l’eau sur sa nuque. Ses doigts trituraient la chair d’un mollusque, en écrasant la chair molle entre son pouce et son index.

  • Non, non, vous avez raison. C’est… j’ai un peu… dérapé, c’est vrai. J’ai abusé, mentalement, émotionnellement parlant. Je me suis emporté. » Relève XeAr, un air de « mea culpa » forcé sur le visage.

Il pose ses coudes sur la table et joint les mains.

La tension autour de ses branchies se relâche un peu.

Les parents échangent un regard soulagé. Les regards se font plus doux.

Figz, elle, l’observe attentivement, les sourcils légèrement froncés.

  • .. je pensais sincèrement qu’il y avait un… truc. Un complot. Oui, un complot… De la nord’Iës. eldmI en particulier. Et puis, je soupçonnais aussi fetyW… » Il lâche l’aveu. Sa voix devient plus assurée. Presque trop, plus sonore, comme s’il récitait une leçon.

L’eau ambiante pique légèrement, l’ozone d’un arrière-goût de mensonge.

Il marque une pause. Comme s’il cherchait ses mots ou qu’il pesait leur effet.

  • .. en y repensant calmement, loin de tout ça et de mes théories… Je ne sais même pas sur quoi portaient mes soupçons ! Quel genre de complot ? Dans quel but ? Ça n’aurait ni queue ni tête. » Fini-t-il d’ajouter.
  • D’accord. Merci de nous en parler. » Dit son père le regard chaleureux, la main posée sur celle de son fils.
  • Est-ce que ce serait un mauvais concours de circonstances ? Des informations mal interprétées ? » Demande sincèrement sa mère, pleine d’intérêt pour la réponse.
  • Je n’y avais pas pensé comme ça. Pourquoi pas ? Si j’en suis arrivé à cette conclusion… Je… je vais en rediscuter avec fetyW. Pour… pour éclaircir certains points. » XeAr hoche vigoureusement la tête.

Dergfe et Figz ne disaient rien. Elles continuaient d’observer. Dergfe à l’air de peser chaque mot de son frère, visiblement sa compagne n’en pense pas moins. Leur regard est interrogateur semble sonder le fond de sa conscience.

XeAr reprend rapidement, anticipant peut-être une question.

  • Mais avant ça, je vais plutôt en parler à mes amis. Ils m’aideront à recalibrer mon esprit. » Dit-il, le mot sonnant comme une évidence technique. Puis il conclut ; « Je ne veux pas paraître ridicule devant fetyW ou eldmI quand je leur en reparlerai. »
  • Voilà, c’est une bonne idée d’en parler à tes amis, demander conseil. Je ne sais pas si je suis réellement rassuré mais… » Laissé en suspens. Son père tapote sa main, soulagé quand même.
  • » Dit sa mère, déposant sa tendresse dans le mot.

Simplement, tout simplement ‘merci’.

Parfois il n’y a pas besoin de faire de longues phrases.

Son regard, l’intonation de son merci… Ça voulait dire bien plus que ‘merci’.

L’eau se réchauffe autour d’eux, laissant le sillage enveloppant d’un miel floral mentholé.

XeAr a compris, il sourit. ‘Elle est forte, très très forte’ pense-t-il affectueusement.

  • Ça va aller mieux. Promis. » Répond-il aussi simplement.

L’atmosphère se détend. L’eau s’éclaircit d’un coup autour des parents.

Tout le monde finis le petit-déjeuner dans une ambiance plus légère. Avec plus de banalités, comme les voisins, les jardinets.

Le repas se déroule. Sa mère doit partir, pour un rendez-vous dans la matinée. Elle fonce se préparer. Son père reste encore un peu avec sa fille à papoter, des trucs techniques de lec. Ils aiment bien ça tous les deux.

Figz rayonnante avec son gros ventre rond comme une Balainnes. Elle raconte à XeAr comment se passe sa fin de grosse. Elle est heureuse et étrangement sereine. Pas du tout angoissée. Pas le moins du monde.

Contrairement à Dergfe, qui est inquiète pour deux…

Ça doit être de famille, en repensant au petit interrogatoire juste à l’instant. Ils en rigolent tous les deux dans des regards amusés.

Son père se lève à son tour.

XeAr range rapidement les affaires du repas. Sa belle-sœur lui fait signe de : elle s’en charge.

Il s’éloigne. Figz le regarde partir, les yeux plissés. Dergfe pose une main réconfortante sur son bras.

  • Ça t’a pas convaincue » Demande-t-elle inquiète. ( point exclarrogatif)
  • Moins que tes parents. Tu en penses quoi ? Ce discours… « mauvais concours de circonstances« , « parler à fetyW mais après les amis« … Ça sonnait trop comme… comme si… il nous disait ce qu’on voulait entendre : Pas comme la vérité. » Approuve Figz.
  • C’est bien ce que je pensais aussi. Il prépare quelque chose. » Dergfe frissonne légèrement, malgré la chaleur de l’eau ambiante.
  • Évidemment qu’il prépare quelque chose. C’est ton frère ! Et je doute vraiment que ça implique de demander poliment des explications à fetyW. »
  • Tu as raison. Je vais lui parler. » Dergfe embrasse doucement sa compagne, un geste tendre sur son ventre.

XeAr s’est laissé glisser à l’étage d’une nage flegmatique.

L’eau du couloir est tiède, légèrement ambrée.

Il entre dans le Lustrâme.

Derrière lui le périanthe s’illumine brièvement d’un halo garance ; qui signifie que quelqu’un est à l’intérieur. Il ôte son boxer et son haut en même temps qu’il entend le soupir de la corolle et du calice qui se scellent. Les tépales sont hermétiquement fermés. Il jette les vêtements sales dans un panier, et dépose les propres dans la niche prévue. Un doux parfum mentholé plane. La floraille s’est opacifiée dans des couleurs tendres.

Le silence fleurit, la pièce est close.

Il ouvre et pénètre dans la cabine.

La floraille se ferme automatiquement, il passe le sas, la deuxième floraille se ferme étanche.

Nu il tapote sur le boîtier de commande. La trappe s’ouvre. Des milliers de petits poissons de nettoyeurs –  phylloptéryx aux nageoires fines, zebrasoma jaunes vifs, dascyllus à trois bandes, etc. – s’élancent en premiers. Puis doucement un liquide coule vers XeAr , la cabine est envahie d’un nuage phosphorescente et étincelante.

Des micro-organismes – bactéries vibrio, periphylla … – mélangés à de la muriancre pour intensifier l’éclat de cette brume.

La nuée entame sa danse autour de XeAr, il sent le goût du zoosymbiote bioluminescent envahir ses branchies. Il se coller à lui.

Les organismes visibles lui nettoient la peau.

Leurs petites mandibules le chatouillent. XeAr se laisse caresser.

Entre deux maxillaires de poissons nettoyeurs, il laisse vagabonder son esprit.

Il ferme les yeux et en profite pour se détendre.

Ce n’est pas qu’une toilette : c’est une douce alchimie de vie qui remet son esprit en place, un massage de l’âme.

XeAr flotte dans une couleur bleutée qui danse autour lui.

Il est entouré des reflets de petits poissons aux fresques vives.

Une sensation de milliers de petites tendresses partout sur son corps.

Après un moment et se sentant mieux dans cette « peau neuve », il élance doucement sa main vers le boîtier de contrôle. Il prend garde de ne pas brusquer la nuée. Il compose un nouveau code. La trappe s’ouvre nouveau. Par un signal mystérieux, le nuage s’élance comme un seul être dans le refuge. Le zoosymbiote a intégralement disparu. Il ne reste pas même une bactérie.

La trappe se referme.

XeAr se fait masser par un jeu d’eau sous pression. Il aime l’eau un peu chaude et acide. Une saveur qui lui rappelle la fosse f’ljos’ti, là où les fumeroles crachent une eau de source minérale, douce et brûlante. (Prononcer fioje sti ou flioje sti)

La chaleur acide lui pince la peau et fait fondre ce que les poissons avaient laissé. L’eau n’a pas le goût soufré ni métallique des cheminées grège.

« Nettoie-toi l’âme, pas que la peau ! »

Sa tête heurte doucement le mur, il a un peu dérivé dans la cabine. Il rêvassait.

L’eau qui massait les muscles a fini le travail du zoosymbiote, stimulant sa peau et dissolvant les impuretés résiduelles avec ses pensées.

XeAr se redresse d’un coup. Il jette un coup d’œil à l’heure, il va finir par être en retard.

OK la toilette traditionnelle Bainymbiose n’est pas finie, mais ça va aller.

Il se sent entièrement purifié ; plus net.

Ce nettoyage rapide suffit amplement, inutile de faire une séance complète. Il fait évacuer l’eau acide pour en mettre une plus salée et propre. Normalement un vortex envahi la zoOndirielle et fait tournoyer l’eau dans toute la cabine. Mais XeAr préfère se rincer la peau à sa manière. Il fait quelques tours sur lui-même et sort.

Il enfile ses vêtements propres, retourne à sa chambre sans sceller la floraille. Sa chambre… quand il vivait chez ses parents, ça va surtout devenir celle d’Uzeanu.

XeAr fini de s’habiller, des vêtements un peu plus stricts car il a des cours… à suivre et à donner.

Sa sœur entre, sans se signaler, comme quand ils étaient enfants.

  • Alors ? ça ne va pas ? tu as trouvé ‘des trucs’. » Lui lance-t-elle à brûle pour point.
  • C’est … un peu plus compliqué que ça. »
  • Pas le discours ‘vous voulez entendre ça’ à moi ; raconte ! » Directe la sœur.
  • Brièvement des nord’I ne veulent pas répondre à certaines de mes questions. »
  • Ben sur quoi ? »
  • Euh … c’est là que ça devient délicat en fait … »
  • Comment ça ? »
  • Je ne peux pas vraiment t’en parler, et de toutes façons, je préfèrerais avoir des preuves. »
  • Mouaii ça doit me rassurer ? »
  • Bon ben fait gaffe où tu mets les pieds ! et n’hésite pas à appeler ta sœur ! »

Il lui répond d’un clignement des yeux, quand il les réouvre, elle s’en va.

XeAr fini de se préparer, rassembler ses affaires.

Il rejoint sa famille pour leur dire au revoir.

  • Tu reviens nous voir quand ? » Lui demande son père d’un air déçu de le voir partir si vite.
  • Hummm » Il compte sur ses doigts.
  • Quand tu veux mon chéri. » Lui lance sa mère.
  • Pas avant la prochaine lune, j’ai pas mal de recherches à faire… »

Sa mère regarde son père et tous deux acquiescent.

XeAr les remercie d’un regard chaleureux. Il déjà dit aurevoir aux filles et à son neveu.

Il remet son sac et part.

Chapitre 10

XeAr arrive à son « labo », l’ancien hangar de labeurs. La lumière charron matinale baigne les grandes baies vitrées , d’un mauve profond. Sans un regard pour la cité, il prend une grande inhalation, l’eau fraîche envahi ses branchies. Il déchausse ses palmes qu’il pose sur le bureau, pieds nus avant d’atterrir. Il sort sa console de son sac à flanc et la branche sur C°fet. Il déplie les branches de son écran virtualisant et le chausse sur son nez. Il enfile les bagues de préemptions, ses doigts rencontrent le métal, puis la chaleur familière.

Il lance son Kaelen.

Autour de lui, la bibliothèque surgit.

Immense, suspendue dans une lumière d’aube. Elle est ornée de grands vitraux colorés, qui jouent avec les rayons et projettent milles reflets sur le sol qui n’est pas réel.

Comme tout le reste de son interface imaginaire de travail.

Mais il sent tout de même le parquet sous ses pieds, le grain rugueux en lambris de délesserie.

XeAr a mis un plafond argenté pour donner plus de contraste.

Ici, rien n’existe vraiment, mais tout respire. Il aime cette illusion.

Il a imaginé les fichiers en papier de laminaire sucrée, dont est issu le sucre vert émeraude.

Il matérialise ces fichiers dans des livres reliés en cuir rouge d’hoplostethus, ils ont une odeur tannée.

C’est ainsi que XeAR dépeint les milliers de dossiers pour ses recherches.

Et puis il trouve ça romantique de donner une vision matérielle et ancestrale aux mémoires des nord’Iës. Un paradoxe de tradition qu’il affectionne.

L’idée lui vient d’un souvenir d’enfance : la représentation d’une bibliothèque oubliée nommée Cent gaalerie. Elle existait avant iyu,Jh (prononcer ïhur). Tout ce qui y fait références a disparu. Il ne reste rien de cet âge ancien. Rien, sauf cette image qui le hantait.

Ce souvenir est l’unique trace restante.

Il aimerait pouvoir retrouver l’illustration qui a inspiré son interface de travail. Quelques informations à son sujet. Son nom est bizarre, écrit de différentes façons, étymologiquement il est relié à des légendes.

Il n’est pas parvenu à estimer sa date.

Et ça… ça le déroute.

Et il faudrait qu’il se mette au travail à un moment donné.

« C’est bien beau de représenter les mémoires des nord’Iës comme une bibliothèque… oubliée, mais j’ai du boulot qui m’attend moi. » Se pense-t-il, en se moquant de lui-même.

XeAr s’installe à une large table de corail rouge, vernie et lustrée jusqu’à l’ondoiement. Il l’a imaginé rectangulaire, large et longue de plusieurs mètres. Très fine à peine quelques millimètres d’épaisseur.

Il peut se permettre d’ignorer les lois de la physique ; c’est son Kaelen, il fait bien ce qu’il en veut.

Il a déposé tous les documents qu’il voulait, des dizaines de livres, des tiroirs, des cartes.

Il s’assoit dans un fauteuil de roche doublé d’un velours d’éponges soyeuses, porifera, venimeuses. Il caresse la soie douce et traitée du bout des doigts, elle dégage un goût aigre-doux. Il a mélangé des variétés différentes d’éponges pour obtenir couleur miroitante.

Il se « promène » entre différentes données ; celles des premières cités.

Actuellement il travaille sur frek erk po kera, les sites archéologiques de la cité des grandes baies.

XeAR matérialise les documents par un grand volume, en trois tomes.

Il commence à le parcourir, puis il fait apparaitre, sur la table, le volume deux. Il passe ses doigts sur les couvertures. Chaque frottement déclenche une brève lueur, un souvenir d’information.

Il a aussi donné un algorithme de vieillissement de ses représentations : plus les données sont anciennes, plus l’usure est palpable..

Le livre qu’il tient concerne les premiers enregistrements sur la cité, qu’il a recouvert d’un mucus vert.

Il aime cette texture : douce et légèrement électrique.

Les pages semblent se déchirer à chaque mouvement, pour accentuer son ancienneté.

Il a même perfectionné ce ‘temps virtuel’ pour faire en sorte que les pages soient rognées.

Certaines données sont parfois incomplètes, alors il a programmé un effet de « grignotages » par des d’herbivores. Par goût du réalisme et certaines sont vides — il a des trous, littéralement.

Studieux, XeAr parcours les chapitres. Il caresse machinalement le cuir rouge des couvertures quand il lit. Il cherche les raisons d’implantation de la capitale. Pourquoi à cet endroit plutôt qu’ailleurs. Pourquoi cette grotte, ce trou noir, plutôt qu’un site plus clément ? Il y a plein d’autre sites qui auraient pu accueillir la mégapole, plus proches de la surface. Moins inaccessible.

Sans nager, il se lève et va vers un rayonnage pour chercher un autre livre. Dès qu’il le prend, son espace vacille. Il ouvre le tome. Le sol en lambris se met à piquer sous ses pieds.

Trop tard. Des pages entières sont vides.

Un frisson lui traverse la nuque.

L’eau dans ses branchies parut se solidifier.

Il rugit un son sourd. L’eau ondule.

Le sol en lambris, sous ses pieds nus, parut le piquer plus fort.

Il retourne furieux vers la table.

Avec le livre qu’il tient à la main il repousse les trois tomes sur lesquels il travaillait.

XeAr appuie sur la table, il frappe du poing, et fait sortir une console. Un projecteur d’interface s’extrait de la table. C°Fet, ondoyante et haute de deux mètres, apparaît à sa droite, dans une colonne de lumière.

Il vient d’intégrer cet élément physique à l’environnement virtuel de son Kaelen.

Il se met à son pupitre et commence à rechercher en mode « normal » la perturbation, tout en injuriant la C°Fet.

  • C°Fet, interférences détectées ? » Prononce-t-il clairement.
  • Aucune immixtion Mais je cherche. »

Au détour d’un programme, XeAr sent quelque chose.

Il pose quelques questions à C°Fet. Il se moque de la réponse. Seule son intonation l’intéresse.

Bingo !

Il arrête tout, déclenche un traqueur et le braque sur la vassalisation. Il décortique celle-ci.

L’eau autour du livre vibre. Il fait grossir le volume aux pages vierges. Zoome.

XeAr attrape le programme qui fuyait et l’isole.

Un grondement rocailleux — grmmbll — déchire l’eau.

La bibliothèque se calamistre et s’entortille sur elle-même. L’eau résonne. La table en corail elle aussi bourdonne. C°Fet s’est mise en résonance avec ce cri de rage.

Elle se met en standby.

Du coin de l’œil XeAr l’a vu se mettre en pause.

Il a quelques cycles devant lui ;

un ; il attrape le programme en question,

deux ; il virtualise une myxomycète verte,

trois ; il cache le programme dedans,

quatre ; il déploie la myxomycète sur le livre ouvert,

cinq ; il ferme le livre.

Programme fautif, scellé.

C°Fet se réinitialise.

Fin du standby.

Il continue sur sa colère, mais ses poings desserrèrent leur étreinte sur le livre. L’eau l’enveloppe d’une chaleur épicée qui sent la cannelle torréfiée et la résine chaude.

La lumière des vitraux baigne le papier d’un jaune pâle, presque miel. Il s’est rendu compte qu’elle ne vient plus d’un vitrail. Là où il a mis sa table pour travailler, il n’y a pas de vitraux.

Cette lumière n’était plus la sienne.

Il tourne doucement la tête.

fetyW.

Elle est apparue dans son Kaelen.

Une bordée d’injures fuse de sa gorge. Il attrape le livre en cuir bleu de denton et le lui jette.

Elle est apparue dans l’espace de travail de XeAr.

La C°Fet a repris sa place.

Puisque c’est son « monde » il façonne sa vision d’elle comme il le souhaite.

Il imagine projection artistique — sa flira — comme une p’Aoriiu élancée, il a donné à la représentation virtuelle une simple tenue de chasse.

Sa matière semblait organique — non tissu, mais surface vivante — mouvante, comme si chaque fibre respirait avec l’eau.

Sur ses hanches, une seiche stylisée déployait lentement ses tentacules, dessinant un mouvement de marée le long de ses côtes, comme des veines de lumière.

De ses omoplates où est un petit sac à flanc, coule ses longs cheveux.

Sa chevelure bouclée, blonde flamboyante, danse autour d’elle, laissant un sillage d’orange amère et de bois de santal derrière elle. Elle envahit l’espace, sans jamais masquer son visage, ni entraver ses mains.

Elle flotte comme dans le poème d’un ressac qui agite une scytosiphon, d’un doux mouvement.

L’eau, autour d’elle, se réchauffe.

Une odeur de cannelle fait grésiller la flira et la projection artistique ondule, sous la voix de XeAr.

Il continue de jurer, mais ses branchies ralentissent.

La colère cède à une tension plus sourde — plus intime.

la flira de fetyW ramasse le livre en cuir bleu sans un mot. Le lui tend.

Il le prend.

Sa voix se casse, moins haute, moins dure. Sa filtration virtuelle ralentit.

Il désigne les pages vierges du livre qu’il pose sur la table.

  • »

Elle l’interroge du regard.

D’un mouvement de la main, il fait agrandir le volume. Les marges se déplient, les lignes se déploient — ou plutôt, s’effacent.

  • Il était rempli. Maintenant il est vide. »

Elle s’approche. Son regard d’ambre n’exprime ni surprise ni déni, seulement un calme insondable.

  • Je ne comprends pas. » dit-elle doucement, sa voix imprégnée d’une vibration chaude, presque minérale.

En guise d’apaisement, il incline la tête dans un geste tendre d’excuse et de salut.

  • Bonjour fetyW, quel motif t’amène ? »
  • Je ne voulais pas te déranger, mais … »
  • … c’est important ? »
  • Pas réellement, en fait… »
  • Hé bien allez je t’écoute ? » 
  • C’est AgI qui t’appelle. »
  • Elle a mes coordonnées ? »
  • …tu as des amis trop bavards. »
  • Et que veut-elle ? »
  • Tu ne préfères pas lui demander directement ? »
  • Elle… »
  • Oui, je l’ai gardée. »
  • D’accord, passe-la-moi… »

Et fetyW transfère la communication.

Ils se sont mis d’accord, il lui accorde sa confiance, et elle peut prendre les appels quand il travaille.

D’un revers de la main XeAr réarrange son Kaelen. La configuration s’ajuste, il fait disparaître la table sur laquelle il travaillait. Les vitraux fondent, les teintes pastel glissent vers des reflets argentés. La lumière change radicalement ôtant la poésie aux longues enfilades de rayons.

L’architecture change subtilement, pour devenir un peu plus contemporaine.

La bibliothèque s’efface — les rayons fondent en bulles dorées, le romantisme s’évapore. La lumière se durcit, devient plus nette, plus neutre.

Il range son intimité comme on referme un livre.

fetyW fait signe, sa lumière béryl recule, sa flira s’évanouit remplacée par une clarté vermeille et une bouffée de fraîcheur anisée : AgI se dévoile.

Une projection sobre et élégante apparait, sa Nymla est vivante et gracieuse. Elle est comme en vrai dans la journée, enveloppée d’une aura de miel liquide et de coriandre fraîche.

Sa tenue, serrée très près du corps, évoque vaguement la tenue d’une technicienne lec. Trois liserés bis courent le long de ses ouïes, sous les courbes de ses seins, comme des lignes de lumière. Le tissu palpite au rythme de sa filtration, mettant en valeur ses branchies. Les poches carrées sur ses cuisses dessinent une belle algue alaria à l’envers. Elle a une ceinture fine. Ses nattes rousses jetées en arrière flottent doucement, comme des algues dans un courant tiède, dégageant de fines oreilles et une saveur miellée.

AgI apparaît discrètement dans son espace, elle semble un peu hésitante.

  • Eh bien. Regardez qui les courants rejettent sur le flanc de mes données. Déjà en exploration hors des sentiers battus ? » Dit XeAr dans un sourire amusé mais sans ironie.
  • Très drôle ! Et pour votre information, je suis ici pour une raison officielle » Répond-elle en utilisant le ‘vous’ à dessein. (point d’ironie)

Elle fait un mouvement en avant, l’air faussement outré, mais un léger sourire trahit son jeu.

  • Officielle ? Dans… ce cas ; que me vaut l’honneur ? » Un sourire plus franc maintenant.
  • Hé bien tout d’abord hier tu nous as quitté un peu vite, et je n’ai pas eu l’impression de t’avoir remercié. » Dit-elle rapidement, en revenant au tutoiement.
  • C’est gentil… »
  • …il paraît que tu… tu travaillais ? » Lui demande-t-elle percevant que la projection dans laquelle elle est apparu n’est pas le Kaelen « familier » de XeAr.

Il a dû faire du rangement juste avant son arrivée.

  • Hummm oui, un peu, mais je me suis interrompu … donc c’est grapave. » Répond-il d’un ton rassurant.

Elle rougit un peu, cherchant ses mots maladroitement, ses mains s’agitant légèrement.

AgI inhale profondément. L’eau autour d’elle se charge d’une chaleur intime, enveloppante.

  • Je voulais te remercier. Tout du moins te le dire… Tu sais. Pour…enfin tu me comprends ? » Elle gesticule vaguement, incapable de finir sa phrase clairement.

XeAr acquièse d’un léger sourire.

Oui, il a compris. Son sourire s’adoucit, il saisit sa gêne et la trouve désarmante.

Des fois il n’y pas besoin de mots superflus.

Un regard approbateur peut suffire.

AgI continue, soulagée qu’il comprenne. Elle prend un peu plus d’assurance et même si elle reste un peu maladroite, elle ajout dans une fraîcheur anisée :

  • …Et, je voulais … profiter du fait que ton ami donne des cours de noèse Théurgique, Oui ! Voilà. Officiellement. Et… et aussi… » Dit-elle soudain, comme si une idée venait de jaillir.
  • hummmm et ? »
  • Pour pouvoir y assister. Aux cours de magie… » Ajoute-t-elle précipitamment.

Il est intrigué par ce changement abrupt de sujet ;

  • xxsioo ? Oui il donne des cours en effet. »
  • Exactement ! En Mirabilité… » Approuve AgI.

XeAr fronce légèrement les sourcils, mais il est curieux.

  • Oui, ça t’intéresse ? Tu n’as pas dit que tu étais Lec ? C’est pas très habituel ? »
  • Non effet… mais j’aimerais un peu apprendre. Explorer. Ce n’est pas au programme de ma formation. Et les cours ont déjà commencé… » Dit-elle hésitante.

Il la regarda un instant, puis lâcha dans un souffle :

  • Je vois le problème. Eh bien… si tu as vraiment envie de… « subir » le caractère de mon ami Jobotahe en tant que prof… » Il marque une pause le regard est amusé. « …je ferais de mon mieux pour te filer un coup de pouce. » Dit-il d’un ton conspirateur et ludique.
  • Oh ! Vraiment ? Ce serait… ce serait incroyable, XeAr ! Merci ! » s’esclame sincèrement Agi.

Elle s’illumina. Littéralement, l’aura de miel autour d’elle semble vibrer de joie ambre rosée.

XeAr sentit une note d’anis étoilé effleurer ses branchies — douce, piquante, familière.

Ils poursuivent leur discussion, un peu plus librement, faisant connaissance…

  • Étudiante Lec, mais tentée par les arcanes de la magie… Voilà qui est rare. C’est un mélange intéressant. Tu sais, parmi les mlrao’eao, nous les p’Aoriiu … on n’est vraiment pas doués pour la magie brute, Cantique ou les grands sorts.
  • Oui, j’ai cru comprendre ça. » Répondit-elle, fascinée.
  • Nos sorts, c’est du bricolage. On les apprend comme on apprend à nager — par imitation, sans trop comprendre la thaumaturgie. »

Il baisse la voix, presque complice :

  • La vraie magie, c’est la nord’Iës. Elle est la magie. Pas un sort, pas un souffle, pas une pensée qui ne passe par elle. Même quand on ne s’en rend pas compte. Elle tisse le monde, AgI. Nous, on se contente de l’utiliser. »

Il marque une pause, laisse l’eau porter ses mots.

  • Mais… on a nos forces. L’alchimie, par exemple. On est organiques, toi et moi. On peut boire, absorber un cocktail de laminaire sucrée. On peut consommer le sortilège, transformer l’énergie d’un algorithme, grâce à nos préparations Biohec. »

Il sourit, tend la main vers une algue flottante, qu’il caresse du bout des doigts. Une poussière dorée s’en échappe, se dissout dans l’eau.

  • Ces drogues qui nous rendent… plus que nous-mêmes ? » Demande-t-elle pleine de curiosité.
  • Une béquille chimique pour augmenter nos capacités. C’est la seule façon que nous avons de nous rapprocher de la puissance brute. Car, il faut le dire, nous sommes bien moins puissants que les Jobotaa et infiniment moins qu’un bébé nord’I. Elles, elles sont la magie. Mais en potions, AgI, on se débrouille pas mal. C’est notre affinité artistique naturelle. » Conclu XeAr les yeux pleins de malice.
  • Oui, j’ai cru comprendre ça. » Répondit-elle, fascinée.
  • Les Jobotaa… certaines sont excellentes. Et xxsioo… c’est un super professeur, il est remarquable. Malgré son… style pédagogique disons… unique : Tu auras l’occasion de le découvrir. Tu apprendras autant de ce qu’il ne dit pas que de ce qu’il enseigne. »

Elle rit doucement, et dans ce rire, XeAr sentit une note de badiane, une fraîcheur presque pétillante.

Puis elle osa, d’un ton soudain plus assuré :

  • C’est fascinant. J’adorerais en apprendre plus. Peut-être que… que vous pourriez… me raconter ça plus en détail » Lance AgI, profitant de la brèche, avec un ‘vous’ ambiguë, le regard plus direct, moins maladroit. (point exclarrogatif)
  • .. ? » XeAr a une intuition, devinant un piège, mais laissa son sourire couler.
  • Oui ! Par exemple… » Elle déploie sa cage thoracique pour une grande inhalation de ses branchies. L’odeur de coriandre fraîche s’intensifie. « …Tu manges où aujourd’hui ? », demande-t-elle sans détour, dans une grande exhalation, branchies vides.
  • Oh ! Euh… » Il fait mime de consulter un appareil imaginaire posé nulle part près de lui tout en regardant à son poignet. « Mon planning… Il faudrait que je vérifie mon planning. Il est un peu… chargé. » Bafouille-t-il totalement pris de court, il joue la feinte classique.

AgI, serrant légèrement les lèvres, ne lui laissant que peu d’échappatoire ;

  • Bien sûr. Je vois. Le planning. Très bien. Dans ce cas… Je vais à mes cours de la matinée et me changer. Vois ton planning et… et xxsioo aussi. Pour voir si une place est possible pour moi. Puis tu me contactes. »

Elle recule d’un pas, un sourire victorieux mais charmant sur les lèvres, effectuant presque une petite « arabesque » avant de se retourner pour partir.

  • À tout à l’heure, XeAr ! Et encore merci… officiellement. »

Sa Nymla disparaît. Malicieusement.

XeAr reste un instant immobile, abasourdi.

Puis un large sourire apparaît sur son visage. Il secoue la tête, impressionné. Il n’a rien vu venir.

Il n’a rien eu à dire, et ses prétextes ont été balayés d’un revers de main. ‘’J’aime bien‘’ pense-t-il.

  • Très impressionnant. » A voix basse.

D’un geste ample, il dégage les dossiers et les projections de données qui l’encombraient, les classant d’une pichenette virtuelle.

Il contacte xxsioo. La Nymla apparaît dans son Kaelen réarrangé.

Il a l’air légèrement pressé ;

  • XeAr ? Fais vite. Je suis en plein cours. J’ai des étudiants qui m’attendent pour un TD sur la Glamourie» Dit xxsioo de sa voix musicale.
  • Tu ne devineras jamais ce qui vient de m’arriver. » Sans lui laisser le temps de répondre il ajoute ; « En… en deux fresques de limules, je me suis retrouvé invité à manger ! »
  • Invité Par qui Et comment » La Nymla de xxsioo semble cligner des yeux. (point exclarrogatif)
  • C’est ça la question ! Cette fille… AgI. Charmante, un peu maladroite, mais… redoutable Elle est venue ici, elle m’a tourné autour, et hop ! Rendez-vous pris. Sans que j’aie mon mot à dire. Et en plus, elle veut suivre tes cours ! » (point d’ironie)
  • AgI ? Ah oui ! Je vois qui c’est. » Lache xxsioo.
  • Tu vois qui c’est ? Mais… comment ? Et comment a-t-elle obtenu mon… mon Kaelen ? » Laisse en suspens XeAr.
  • Ça. C’est… moi… en quelque sorte. » Répond la Nymla qui s’anime d’un sourire.
  • Qu’est-ce que tu as fait ? »
  • Elle est venue me voir. Discrètement. Elle posait des questions à… à NaOH… sur les Cijh-lec. Très polie, très curieuse… Et puis, très habilement, la conversation a dérivée… vers nos contacts communs : toi. Elle a dit qu’elle avait besoin de joindre quelqu’un de… particulièrement bien renseigné sur certains sujets. Toujours avec plein de finesse elle t’a suggéré. Elle a été… très convaincante avec sa gêne apparente. »

L’avatar de XeAr affiche un large sourire, puis éclate d’un rire franc et incrédule.

  • OK ! Elle est forte ! Elle utilise son côté maladroit comme une arme ! J’adore ! »
  • Heureux que ça t’amuse. Mais XeAr, je te rappelle que j’ai des mystagogues sur les bras. » Reprend xxsioo sur un ton plus sérieux, mais toujours avec une pointe de complicité.
  • Oui, oui, déso. » Dit XeAr vraiment désolé, et pris par leur conversation.
  • Mon conseil ? Accepte ce rendez-vous. Elle a l’air… gentille. Intriguée. Et… ça ne te coûte rien d’être aimable, n’est-ce pas » Lance la Nymla d’un clin d’œil. (point d’ironie)
  • Ça ne me coûte rien. Tu as raison. » Un sourire aux lèvres. Il avait déjà pris sa décision, même si xxsioo vient de la sceller.
  • Je dois te laisser. J’étais moins concentré pour leur parler, ils commencent à s’agiter. »

Les Jobotaa n’ont pas besoin de Kaelen externe. Elles peuvent soutenir plusieurs conversations en même temps, dans plusieurs espaces même dans le monde réel.

  • Attends ! Une dernière chose ! AgI ! Elle veut vraiment suivre des cours. Elle m’en a parlé. Je lui ai dit que je verrais ce que je peux faire. »
  • Oui, dis-lui de venir avec toi après mon cours. On arrangera ça. » Dans un soupir.
  • Génial ! Merci, xxsioo ! Bonne chance avec tes bulots. » Pour parler de ses élèves.
  • À plus tard, XeAr. » Termine la Jobotahe et sa Nymla s’évapore du Kaelen de XeAr.

Le rendez-vous est pris.

XeAr reste seul, un sourire aux lèvres, l’esprit déjà ailleurs sur ses dossiers.

Après avoir travaillé quelques heures, il se donne du courage.

D’un mouvement du regard il transforme son Kaelen, le décor bascule.

Les vitraux devinrent des horizons.

Les murs, des champs d’algues ondulantes.

Les ombres s’ouvrirent sur les plaines de son enfance : une large vue sur le paysage sous-marin.

Une vague de fraîcheur bleutée l’enveloppa tendrement.

La lumière filtrait à travers l’eau illuminant les vastes prairies mouvantes et les formations rocheuses bioluminescentes au loin.

Il a parfaitement reconstitué les près et au-dessus, dans le courant les Tidal-Anis de son village.

Elles sont vraiment jolies ces demeures, bien sûr il aime particulièrement celle de ses grands-parents.

Dans le monde réel, ce sont les villageois qui tissent de magnifiques et grandes voiles charmées.

Ici à l’intérieur de son Kaelen elles dansent avec les courants imaginaires. L’odeur du varech frais, pénètre les branchies de XeAr, les gréements captent cette énergie en s’adaptant aux flux et reflux.

Le temps passe ainsi, suspendu.

La matinée s’est écoulée en partie. Finalement il a pu reprendre ses recherches ; il a bien avancé.

Il recontacte AgI.

La Nymla apparaît, elle s’approche de lui dans un sillage enveloppant.

  • Bonjour AgI. J’espère ne pas déranger ? Les cours … » Dit XeAr avec un point de suspension et un léger sourire aux lèvres, son ton est maintenant plus détendu.
  • Oh, non, pas du tout ! J’avais… une petite pause entre deux modules. Et… » Elle regarde autour d’elle. « …Ton Kaelen est dehors ? C’est la première fois que j’en vois un ! » Prise au dépourvu de sa propre émotion.

Sa voix vibrait légèrement, comme portée par un courant léger.

  • .. ça aide à penser. » XeAr sentit sa propre tension se dissoudre.

AgI à l’air de reconnaitre le paysage.

  • Je vois les plaines de Xylos derrière toi… C’est… c’est magnifique ! » S’esclame t-elle.

Elle semble un peu ahaner ou pressée, un sourire timide sur le visage.

  • Ça va ? » Demande sincèrement intrigué XeAr.

Il sent l’eau changer.

Un parfum miellé, une note d’anis étoilé, une fraîcheur hespéridée.

  • Oui oui ! Je faisais de l’exercice. Alors ? » Répond-elle d’un ton rassurant, les ouïes grandes ouvertes.
  • J’ai consulté mon planning et contacté xxsioo. » Dit-il d’une seule phrase.
  • ..? » Fit-elle, suspendue à sa réponse. Le regard devient plus attentif, l’attente palpable.
  • .. il se trouve qu’il y a un créneau libre. » Il marque une courte pause, son sourire s’élargit légèrement. « …et ça me ferait plaisir qu’on mange ensemble, AgI. »
  • Oh ! Vraiment ? C’est… c’est gentil, XeAr ! Merci beaucoup ! » Elle rougit légèrement, mais un sourire éclatant illumine son visage.

L’éclat corail tendre de sa Nymla s’intensifie d’un vermeil luisant.

Sans en avoir l’air XeAr prend une grande inhalation de ses branchies et de courage :

  • Et j’ai pensé… comme tu veux voir pour des cours… bref xxsioo… il a une session qui commence bientôt. Pourquoi ne pas nous retrouver là-bas ? On pourra voir l’inscription avec lui directement après son cours… Et puis… partir de là ensemble pour manger. Ça le fait comme ça ? » Prenant l’initiative de lier la demande de cours au rendez-vous.
  • Oh ! Oui, c’est… c’est une excellente idée ! Ça simplifie tout ! Je… je n’y avais pas pensé. »

Comme si elle n’y avait pas pensé…

Ses yeux s’écarquillent légèrement mais agréablement surprise par la proposition.

  • Si ça te dit… on peut en profiter, les plaines sont particulièrement belles et calmes. » Dit-il en entendant la main pour indiquer une direction.
  • Oui ! Avec plaisir ! » Accepte-t-elle avec joie.

Ils avancent lentement côte à côte, traversant les tapis d’algues colorées. Le parfum anisé et solaire d’AgI flottait à côté de lui, contrastant avec l’odeur minérale du Kaelen. De petits bancs de poissons iridescents s’écartent sur leur passage, scintillant sous la lumière filtrée.

 

 

 

  • C’est tellement différent de l’intérieur. On oublie parfois… tout ce qu’il y a juste derrière les projections. La tienne est vraiment très belle, je n’arrive pas à rendre mon Kaelen.. poétique. » Dit-elle sur un ton sincère.
  • Merci, c’est gentil, ça me touche. »

XeAr la regarde un instant. Ses nattes rousses ondulent comme des algues dans le courant — l’eau porte une chaleur intime, enveloppante, il poursuit :

  • C’est pour ça que je viens ici. Pour me rappeler que le monde est plus vaste que nous et nos préoccupations. » Il la regarde un instant, son ton est plus doux.

Il hésite, puis :

  • Alors, comment s’est passée ta matinée de cours ? Pas trop… standard ? »

Elle rit doucement.

  • Oui et non… On a eu un module sur des Dryth La visualisation de leurs flux de données, était instable. C’était de vieux Dryth; c’était pas facile la structure lumineuse de ces programmes antiques changeaient sans cesse. C’est un peu comme regarder une méduse mourir — belle, mais qui se déchire à chaque battement. J’ai eu du mal à suivre leurs programmes en exécutions, c’était un peu complexe en fait. » Elle baisse les yeux, joue distraitement avec une mèche.

Elle laisse un petit temps avant d’ajouter :

  • En classe, on aimerait parfois un peu plus… de pratique. De concret. C’est pour ça que la thaumaturgie m’attire, je crois. Parce qu’elle touche. »
  • La théorie c’est bien, mais manipuler l’énergie… c’est autre chose. Je comprends ça. »

Ils continuent encore à nager un peu apaisés, juste le bruit feutré et le murmure de l’eau.

Glissant le long des collines, caressant les kelps dans le courant, loin des Tidal-Anis.

  • Tu sais… ta Nymla, là, maintenant — elle est magique. C’est un sort vivant, tissé dans l’eau et la Théurgique. Tu ne le sais peut-être même pas, ni comment elle fonctionne. Tout comme moi, quand j’étais étudiant. On apprend des sorts basiques pour le quotidien, les routines. On utilise la magie sans la voir ; comme nos projections… mais on ne la comprend pas. »

Il marque une pause, regarde au loin, vers les plaines.

  • Mais on n’est pas des magiciens au sens où l’entendent les Jobotaa. »
  • On se sert du Cantique sans comprendre le Quantique en somme ? » Demanda AgI.
  • Et c’est là que réside toute la puissance des nord’Iës… elles ne font que ça. Être. Être magie. Elles ont la capacité de la percevoir sans filtre. Et c’est ça qui est si frustrant pour nous : cette puissance nous entoure de partout. Elle est dans les mailles du champ de continuum, le lien entre notre Science et notre Âme… » Répond-il plein d’enthousiasme.

AgI reste silencieuse un instant. XeAr ajoute doucement :

  • Et nous… on vit dedans, comme des poissons dans l’océan, sans jamais se demander ce qu’est l’eau. On l’utilise pour faire surgir nos interfaces, pour nous protéger, pour nous connecter… sans même s’en rendre compte. La magie, c’est apprendre à voir ce champ, à ressentir cette matrice, puis à le manipuler. »
  • Alors… apprendre la magie, ce n’est pas apprendre à faire… mais à voir ? »

XeAr sourit.

  • … On va dire ça comme ça. Même si… c’est infiniment plus complexe que nos petits mélanges Biohec. C’est pour ça que ces cours sont essentiels. » Ajoute-t-il un peu perplexe.
  • Au fait… pour le rendez-vous… l’endroit exact pour le cours de xxsioo ? Et l’heure ? Pour que je ne me perde pas. » Brisant le silence, revenant aux aspects pratiques. Mais avec une touche de timidité.
  • Au milieu des Shel’kons de magie. »

Ils s’arrêtent, arrivés à une sorte de carrefour ou un point de séparation dans les plaines.

XeAr fait basculer son Kaelen, ils sont au milieu du campus ;

  • Tu vois la structure rouge carmin, là-bas ? Les bâtiments ovoïdes ou en forme de coquille. Le plus grand rouge… c’est pas celui-là… à côté le Shel’kon plus petits, le magenta. Non… Un peu plus à gauche… C’est juste derrière la grappe, le bleu. Ce bleu-là. La session qui nous intéresse commence dans… disons, une heure. Ça vous laisse le temps d’y aller tranquillement. » Il s’arrête un instant, pour lui indiquer la direction et le point de repère bien visible à travers l’eau.
  • Ah, oui, je crois voir ! C’est noté. Une heure. Parfait. » Dit-elle en hochant la tête.
  • Eh bien… Je ferais mieux d’y aller alors. Pour arriver à l’heure. » Ajoute-t-elle.
  • Et moi, je dois finir de ranger… On se rejoint là-bas. » Sans trop savoir quoi dire.
  • Merci encore, XeAr. Pour… enfin tu as compris… et pour les cours aussi. À tout à l’heure ! » Elle sourit sincèrement.
  • À tout à l’heure, AgI. » Un sourire chaleureux sur le visage.

Elle se retourne et sa Nymla s’éloigne puis s’évapore dans un sillage d’eau miellé, une chaleur rousse.

XeAr reprend ses activités, il lance quelques protocoles de taches, pour ses recherches.

Il demande à fetyW un petit coup de main pour différents paramètres.

Il l’a faite apparaître dans les plaines avec sa longue chevelure dorée ondoyante. L’eau se réchauffe légèrement et l’odeur de cannelle torréfiée revient.

Il récupère sur la table sa console son carnet, un livre bleu, quelques notes éparses et cinq fascicules.

Il arrête sa simulation de travail. Il range son équipement et termine quelques manipulations sur l’interface C°Fet.

fetyW vient d’avoir xxsioo qui lui a dit qu’ils se rejoignaient.

Quel bavard.

Les transferts de la C°Fet à son ordinateur sont finis.

Il déconnecte son interface, fetyW l’interroge ;

  • D’habitude tu ne déconnectes jamais. » Fait-elle remarquer.
  • Avec le coup que cette interface vient de me faire en supprimant inopinément des fichiers. Je vais la confier à NaOH et lui faire subir des misères. » Dit-il en riant et en essayant de prendre un air méchant.

fetyW souris. XeAr est mort de rire de ses propres bêtises.

Il salue son amie.

Il part rejoindre xxsioo sur le campus.

 

Chapitre 12

XeAR sort de la bouche du sousharroyeur, c’est la ligne qu’il prend d’habitude pour le parc, mais aujourd’hui, c’est le campus.

La lumière claire opaline pénètre ses yeux, il est à l’une des entrées, l’eau est saturée d’une odeur d’algues et d’iode. L’espace est généreux. Autour de lui se dressent les coralliumas, ces habitations étudiantes qui sont littéralement cultivées comme une forme de corail géant et intelligent. Elles offrent une protection naturelle facile à entretenir et des parois bioluminescentes.

XeAr sent la chaleur douce qui en émane.

Les campus sont des rares endroits de la cité où il y a des animaux et aussi des plantes endémiques. Des poissons en bancs, des crustacés et une grande variété d’algues s’y épanouissent.

L’éclairage bioluminescent donne aux écailles des poissons des reflets joueurs et argentés.

Les mollusques plus discrets ventilent à l’abris dans les replis des coraux. Il continue son chemin.

Au passage il voie la gardienne.

Une très belle Jobotahe, fine et élancée, bien plus grande que son ami.

Elle ne porte pas les bottes qu’ont habituellement les Jobotaa, mais des chausses basses.

Elles s’ancrent dans le sol. Souples et précises, XeAr sait que ces appuis rétractables lui permettent de soulever les plus lourdes charges du jardin.

Il est un peu pressé, il regrette de ne pas pouvoir aller discuter avec elle.

Elle refait très souvent les jardins, elle bouge des rochers, les bancs avec une attention minutieuse. Elle prend toujours garde aux animaux et aux plantes.

Il y a un tel écosystème sur lequel elle veille avec amour.

Elle arrive aussi à concilier la beauté du regard. C’est vraiment une grande jardinière, il n’a pas assez souvent le temps de bavarder avec elle, mais à chaque fois c’est un réel plaisir.

XeAr lui adresse un signe et continue dans les allées, bordées d’algues aux couleurs sarcelle.

Il longue la partie du campus composée d’amani-Habs, ces vastes structures administratives qui abritent aussi infirmeries et cliniques.

De l’autre côté, les salles de cours — seuls le haut des dômes des Shel’kons dépassent. Ils sont couverts d’algues courtes afin de créer une harmonie de colline.

Avec la lumière éclatante de la journée, les coupoles des salles de cours sont impressionnantes et les algues paraissent être du velours.

XeAr nage lentement, des poissons minuscules fuient à son passage.

Les Shel’kons abritent deux cours chacun, coupés par la verticale. Il sait que ces structures de quinze mètres n’émergent qu’à moitié du sol, l’intérieur défie la logique des volumes. Il est toujours émerveillé par leurs courbes aux creux des quelles nichent une variété d’animaux et de coraux.

Il accélère sa nage dans les allées pour rejoindre son ami. Ils se sont donnés rendez-vous au bâtiment de mathématiques. Le Caulerpa Gracilis est d’une élégance épurée, sa forme fine et ramifiée rappelle la croissance délicate de certaines algues.

Ces édifices défient les courants aussi grâce à des matériaux flexibles.

XeAr a choisi ce Caulerpa Gracilis pour son beau bleu klein saisissant parmi le champ chromatique de ses voisins.

Il arrive, AgI est déjà là.

Il perçoit son odeur — ce mélange léger mais riche de parfum floral et anisé, légèrement citronné — avant même d’atteindre le bâtiment.

Elle l’attend à l’entrée de l’immeuble.

Habillée comme une étudiante lec. Uniforme sombre, plus clair que celui des « titulaires ».

Un liseré flavescent appuie sa silhouette, la couleur des étudiants de premières années.

L’insigne au-dessus du sein droit, à la clavicule, rappelle son statut. A gauche, elle a un beau distributeur ivoire et noir finement ciselé.

Il remarque ses cuissardes de cuir, finiment brodées de dentelles lactées, un ceinturon jaune discret et elle a un sac à flanc couleur jais.

Sa coiffe est… réglementaire.

XeAr la salue.

Elle est un peu intimidée de le revoir, mais heureuse. Le bonheur se lit dans ses yeux, même si ce sentiment bêta persiste de l’erreur qu’elle a commise à la grotte.

Elle lui sourit, embarrassée.

  • XeAr… »

Il incline la tête dans un geste réconfortant mais un peu maladroit. Il lui fait signe en direction d’un Shel’kon dont le dôme amarante est à peine recouvert d’algues.

  • Viens, on y va. »

Ils se dirigent vers l’entrée.

Le hall oblong est gravé de milliers de dictons anciens. Un nouveau court va commencer. Avec un sourire XeAr la met à l’aise et l’invite à entrer dans le bâtiment pour rejoindre son ami.

  • N’aie pas peur, » murmure-t-il avec un sourire « le plus difficile est de franchir la porte. »

Ils passent par le sas réservé aux enseignants, quelques-uns les regardent, intrigués.

XeAr en profite pour saluer quelques amis.

AgI se fait toute petite, discrète, gênée ses mains s’agitent légèrement près de son sac à flanc.

Elle voudrait s’effacer, ne pas être là.

Ce n’est pas elle, elle n’est pas là !

xxsioo passe rapidement. D’un hululement XeAr l’appelle. Le Jobotahe se retourne sans hésiter, ses grands bras ouverts et accueillants pour l’embrasser.

Ils se saluent avec enthousiasme comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps.

La veille seulement.

XeAr glisse un clin d’œil à son ami Jobotahe accompagné de langage de guerre, il signe :

‘Merci d’avoir permis cette rencontre, comprenne qui pourra.’

Il a à peine plissé des yeux et froncé imperceptiblement ses sourcils, d’un mouvement du nez.

XeAr sent une vague chaude de satisfaction se propager. Souriant, xxsioo adresse un salut à AgI.

XeAr lui demande :

  • Tu es sûr que c’est possible d’intégrer les cours alors qu’ils ont déjà commencé ? »
  • Bien sûr que ça ne dérange pas, » Répond la Jobotahe, pleine d’assurance.

Puis xxsioo, s’adressant à AgI :

  • Ton premier examen en tiendra compte. Avec de l’aide, tu rattraperas vite ce petit retard. »

AgI acquiesce, studieuse.

xxsioo, déçu que son message subliminal n’ait pas été perçu, chasse cette pensée d’un sourire et les invite à aller s’asseoir.

XeAr proteste pour la forme, mais se laisse mener par son ami vers la salle de cours.

AgI suit d’un coup de rein.

xxsioo pousse amicalement mais énergiquement l’épaule de XeAr avant d’aller rejoindre sa place de maître de conférences.

AgI franchit le seuil, pénétrant dans la salle de court de magie, l’eau semble changer de densité.

Elle entre, le regard attentif, les yeux grands ouvert, comme si elle avait l’air ébahi de quelqu’un qui n’en avait jamais vu.

La salle respire. Si différent des salles lec — qui sont plates, muettes, prisonnières d’écrans C°fet où les données coulent en lignes froides. Ici, les murs ondulent doucement, la paroi chante.

XeAr est toujours éblouis, il reste encore émerveillé.

Quelques regards se tournent vers AgI, certains marmonnent.

AgI baisse les yeux, les mains nerveuses.

Des murmures.

Elle n’est pas à sa place ici.

Elle se sent submergée, elle essaie de se faire encore plus petite, ses doigts s’agitent dans de petits gestes fébriles.

Ici, la salle n’est pas en deux dimensions comme les cours de lec.

L’amphithéâtre est déformé, pas une sphère, un grand œuf coupé verticalement.

A l’estime la hauteur fait près de quatre-vingts mètres. Trois fois plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur.

La magie.

Elle peut contenir une telle étendue dans un volume si petit.

AgI regarde xxsioo se diriger vers le mur immense — d’un bleu safre qui va en se dégradant au milieu dans un beau vert limule.

Au centre, mais vraiment au centre, à mi-hauteur il y a une niche avec un pupitre. Le maître de conférences peut y déposer ses documents.

Un cercle légèrement jaune, trace une surface de courtoisie. L’enseignant reste à l’intérieur, il est à portée de vue et de voix de tous.

Il peut ainsi aller et venir pendant ses cours et discours.

AgI le rejoint.

D’autres élèves la dépassent en montant au plafond. Ils lui jettent des regards pleins de curiosité.

Elle détourne les yeux en marmonnant, agitée. Elle ‘tricote’ avec ses doigts.

Les parois sont constellées de gradins, même le plafond en est sertit.

AgI lève la tête.

  • Tu t’y habitueras. » Murmure XeAr en prenant place en hauteur, à la gauche de son ami.

Il y a d’étrange sièges à l’envers où sont installées essentiellement des Jobotaa, tête en bas.

AgI fronce les sourcils.

Comme si, il y avait une ségrégation.

Pourtant il y a des Jobotaa dans toute l’assistance, équitablement réparties ; aux places « à l’endroit ».

xxsioo est déjà à sa place, les deux étudiants improvisés prennent place.

Quand AgI s’installe près de XeAr elle lui jette un regard interrogateur sur les places au plafond.

  • Après » murmure-t-il en lui souriant.

Le cours commence.

La salle s’apaise.

Les étudiants, suspendus dans l’eau claire, fixent la haute silhouette du professeur.

xxsioo ferme les yeux, puis lentement, d’un ton calme, sa voix s’étend dans l’hémicycle comme une onde grave.

  • Alors Commençons avec la base, la fondation de tout : la Mirabilité.

Un mot ancien, mais essentiel. »

Il repend un poncif, mais répéter c’est aussi la base de l’enseignement.

Ou bien fait-il ce petit rappel à l’intention de sa nouvelle élève.

Soit !

Il répète donc :

  • La Magie, mes chers étudiants, est une science dure. Elle n’est pas un don, c’est une variable inscrite dans notre code biotique. C’est la tension qu’exerce le Noûs sur le Continuum. »

xxsioo trace dans l’eau un signe lent, circulaire.

Une lueur bleutée s’y déploie, pulsant comme un cœur.

  • Ce n’est ni un don, ni un mérite. Pas même une vertu.

C’est une aptitude — la façon dont chaque être interagit avec la trame du monde. »

Il tourne la main, et la lumière de l’aquaglyphe se diffracte en trois éclats.

  • Voyez ces trois éclats ?

Chaque race y brille à sa manière :

Les p’Aoriiu, dit-il en désignant le premier, nos amis organiques – possèdent une plage restreinte. Une faible tension. C’est l’Architecture de leur Noûs.

Ils ont une lumière discrète, ténue, mais persistante.

Les Jobotaa, nous autres, ondulent un peu plus fort — la sorcellerie afflux en nous.

Nous avons une bande passante plus large. Une tension moyenne.

Et la nord’Iës … »

xxsioo effleure le dernier éclat, et la salle s’illumine d’un blanc intensif, aveuglant.

  • … elle, elle ne manipule pas la lumière : elle devient la lumière. Elle maîtrise l’équation. »

AgI regarde XeAr ; les requins ne font pas des orques. xxsioo a fait disparaitre l’éclat, c’est mieux.

Un murmure circule dans la salle.

  • C’est un fait biocœnose. C’est l’Aptitude. Ce n’est pas une question de volonté ni même de travail acharné. C’est ce que vous êtes. »

Il s’éloigne du mur, l’air pensif, et plonge dans l’eau de la salle.

  • Maintenant, la distinction cruciale : l’Aptitude et le Talent. »

xxsioo sourit, il replie sa main. L’aquaglyphe se dissout.

Il lève ses longs bras et les laisse onduler doucement.

  • La Mirabilité n’est pas affaire de travail. Ce n’est pas non plus du talent.

C’est un langage qu’on reconnaît avant même de l’apprendre.

Ceux qui n’ont pas l’oreille croient qu’il suffit de réciter des formules.

Mais la formule n’est qu’une vibration, une respiration.

Ce qui compte, c’est le rythme du monde qu’elle réveille. »

Il nage au centre de la salle.

L’eau s’ouvre légèrement autour de lui.

  • »

Son bras s’étire, dessine une courbe dans le fluide.

Un aquaglyphe apparaît, délicat, luminescent.

  • Pensez à la pieuvre. La pieuvre n’a pas besoin de se cacher. Elle ne met pas en place une stratégie. Elle ne pense pas son camouflage, elle est le camouflage. Sa peau est un champ de pigments mouvants, son corps, ses chromophores, sont un algorithme vivant.

Une exécution en temps réel de la réalité. Elle ne se cache pas, elle se dissout.

C’est l’Aptitude. »

Il lève un doigt. La lumière sur le glyphe ondule comme la peau d’un animal.

  • Maintenant, le crustacé, poursuit-il.

Lui, il doit chercher comment se fondre, bricoler, composer. Il observe, il calcule, il se dissimule. Le crustacé ne peut pas se dissoudre. Il trouve une algue, une roche. Il se cache derrière. Il met en place un plan, une séquence de travail.

Le résultat ?

Il est camouflé, et efficacement !

C’est le Talent. »

xxsioo laisse un petit moment à ses mot, qu’ils parcourent la salle et les esprits.

Doucement il repend :

  • Mais le processus n’est pas le même.

Il ne pourra jamais se fondre dans le tissu même de l’eau.

Il travaille à ressembler à ce que la pieuvre est déjà. »

Il s’interrompt, laissant l’idée flotter.

Puis, il ajoute :

  • Ce n’est pas une question de volonté ou d’effort, mais d’aptitude innée :

La pieuvre EST le camouflage ; le crustacé FAIT du camouflage.

L’un est instinct. L’autre est discipline.

Mais tous deux finissent par disparaître dans le même océan.

La question est : comment ? »

Il contracte ses mains, changeant de geste.

Au fil de son discours il s’est déplacé, bien au centre afin d’être vu de tous.

Il effectue un tentactif, il commence à tordre la réalité et à la faire pencher sur sa droite, puis il la fait pivoter pour la rassembler près de lui.

Elle s’amasse doucement, les étudiants ont le vertige.

Il tend la main.

Entre ses doigts, l’eau se creuse, se plie, comme si elle obéissait à un souffle invisible.

Puis il ouvre large ses bras, dans un mouvement de rotation des poignets et signe avec ses doigts une magnifique aquaglyphe qui reste en suspens quelques secondes.

  • Regardez, dit xxsioo, la voix calme au cœur du chaos.

Ce que je fais maintenant… ce n’est pas de la volonté. Ce n’est pas de la concentration. C’est comme respirer. Mon corps sait. Mon Noûs sait. C’est inné. »

La salle se déploie.

Les murs ondulent. Les sièges flottent, retenus par des filaments invisibles. Un étudiant pousse un cri — pas de peur, mais d’émerveillement.

Lentement, délicatement comme le tentacule d’une pieuvre à l’affût…

xxsioo tends encore plus ses bras qui deviennent immense, alors que déjà grand.

  • Vous voyez ? dit-il, les yeux brillants. Je ne pense pas à chaque équation. Je ne récite pas mes identités remarquables. Je danse avec la réalité. Comme la pieuvre danse avec la lumière. »

Il referme le poing.

Clac.

La salle bondie et ondule comme le dos d’une raie.

Les étudiants sont sonnés, certains essayent de garder leur esprit et reprennent les incantations des débuts d’année afin de saisir la réalité.

La main de xxsioo s’ouvre et la salle reprend sa forme.

Seul le vertige reste.

Tous les étudiants n’ont pas compris la démonstration.

xxsioo enchaîne pour placer quelques remontrances à ceux qui ne suivent pas les cours et ne révisent pas leur équations-algorithmiques.

Quand je vous dis que vos les polynômes c’est important… Si vous aviez appliqué vos identités remarquables… »

Il fait une pause.

Son regard croise celui d’AgI — une étudiante lec perdue.

Elle est chamboulée, XeAr est amusé.

xxsioo poursuit :

  • Maintenant que j’ai bien eu votre attention… je suis convaincu que certains vont y réfléchir à deux fois sur les premiers cours et d’avoir si vites oubliés leurs expressions régulières.

Reprenez-les. Ceux qui savent, aidez les autres. Ceux qui ne savent pas : demandez. Vous croyez que c’est quoi mon métier ? Venez me voir. »

Un silence. Puis un rire discret.

  • Et voilà, reprend-il en haussant les épaules.

Rien qu’une équation mal équilibrée. Une simple erreur de paramètre, et tout tangue.

La magie, mes chers élèves, c’est aussi de la géométrie… qui respire. »

Et il reprend et veut insister sur les aptitudes et les talents.

  • Ne vous méprenez pas, ajoute-t-il. Ce n’est pas une question de valeur.

C’est une question de nature.

Ceci est un exercice très simple à faire, pour la Jobotahe que je suis.

Pour un p’Aoriiu, ce sera plus technique, mais pas infaisable. Il y arrivera autrement.

Pour un nord’I il s’agit d’un exercice rudimentaire, aussi rudimentaire que les formules algorithmiques que certains n’ont pas apprises. »

Deuxième couche.

xxsioo se marre intérieurement.

Il tapote son front.

  • Nous verrons plus tard la différence entre théurgie — invoquer ce qui est — et goétie — forcer ce qui n’est pas. Mais aujourd’hui… aujourd’hui, souvenez-vous juste de ceci :

Ce que vous êtes détermine comment vous pouvez faire. Pas l’inverse. »

D’instinct… XeAr sent un frisson parcourir ses branchies.

Avant même d’entendre son de la voix.

Ce traître !

xxsioo sourit, une grimace amusée, de sa voix profonde, dit :

  • Il y a ici un ami p’Aoriiu qui nous fait la joie d’être parmi nous. J’espère qu’il nous fera volontiers une démonstration. »

Et « ça » se prétend un ami.

Un murmure parcourt la salle. Des regards se tournent vers XeAr. 

Des chuchotements roulèrent dans l’amphithéâtre. AgI gênée à côté essaye toujours de disparaitre.

xxsioo fait un mouvement du bras pour que ses étudiants l’encouragent.

Les deux amis se regardent.

xxsioo leva la main, amusé.

  • Allons, encouragez-le un peu ! »

La salle vibre d’un bruissement d’eau et d’exclamations étouffées.

XeAr fait un signe à AgI un sourire d’excuse et complices — son air inquiet le fit sourire, il quitte son siège pour rejoindre le centre de la salle.

Chaque brasse vers le cercle jaune de la surface de courtoisie, amplifiait le battement de son cœur, comme si l’eau elle-même retenait sa respiration.

xxsioo l’accueille d’ une tape amicale et chaleureuse.

Il reprend :

  • Je vous présente l’un des plus talentueux p’Aoriiu de ces dernières générations. Son nom circule, n’est-ce pas, que beaucoup d’entre vous l’ont déjà entendu… peut-être dans les couloirs, ou dans les histoires qu’on se raconte à voix basse. »

Le silence de la classe lui répond.

XeAr soupira doucement, désespérément.

  • Un mystère pour certains. On raconte qu’il s’est retiré, qu’il a tout arrêté… Vrai ? Faux ? Qu’importe ! »

Le silence se fit dense.

Il termine son éloge :

  • Il se prétend modeste… mais il danse avec la réalité mieux que quiconque. »

Et xxsioo cède la parole en lui lançant une pensée complice : « Débrouille-toi avec ça ! »

XeAr ne dit rien.

Il fait juste un signe.

Il sent que, les étudiants, plus méfiants, ont décidés de ne pas se faire avoir une deuxième fois.

Du bout des doigts, XeAr entame une petite danse, qui trace, pure, fluide, un fil de lumière liquide.

L’arabesque de l’hydroglyphe, se dessine dans l’eau ; figure simple de départ.

De sa gorge, il fait naître un bourdonnement grave qui vibre dans sa poitrine.

Un grondement sourd guttural qui fait ronronner l’eau.

Le mouvement de ses doigts remonte à ses bras et arrive à ses épaules.

De sa gorge il a commencé un autre chant plus aigu et il a accentué le ronronnement de la mélodie, tissée entre ses doigts. Le refrain monte et s’entrelace. Les ouïes de ses branchies s’ouvrent.

Son chant cantique à deux octaves commence à entrer en résonance.

Il diminue régulièrement par demi ton le corps des basses.

Le mouvement part des bras et va vers ses épaules, il fait augmenter de tierce la base des aigus.

Quand il a à nouveaux deux octaves d’écart il ajoute un troisième chant.

XeAr crée une dissonance au milieu, en arythmie qui porte le chant principal.

Le son monte, se dédouble, se superpose et ondule.

Les vibrations lui grimpent le long des bras jusqu’aux épaules. Pénètre ses branchies.

Tout l’amphithéâtre ressent le flux magique — chaud, dense — pulser au rythme du chant.

La gorge de XeAr produit maintenant trois voix : l’une basse, la deuxième cristalline, la troisième arythmique, ouïes grandes ouvertes.

Les harmoniques s’enroulent comme des algues autour de la salle.

L’hémicycle ne fait pas qu’ondoyer, il commence à vibrer intensément ; le chant cantique se déploie.

Les étudiants, qui avaient entonné leurs expressions régulières pour croiser la réalité, se sont tous tus.

XeAr rapproche ses mains. La salle se contracte, elle bat comme un cœur sous l’effet de ce nouveau champ. Ses bras s’entrecroisent dans une étrange danse. Il fait monter le chant des basses et écarte brusquement ses bras comme pour embrasser quelqu’un d’imaginaire.

La réalité s’en va.

La salle s’est retournée. Elle est complètement retroussée.

Le chant cantique vient de se métamorphoser en un champ de continuum.

La salle vient de s’épanouir comme une anémone.

Et XeAr lui a ajouté des couleurs chamarrées — roux, vermeil, des reflets ambre, grenat, cuivre dansent.

Il maintient ainsi la réalité soulevée. Il continue la chorégraphie des bras et…

Il s’arrête. Net !

La réalité reprend sa place et lui aussi.

Le silence.

Il s’est à peine écoulé quelques secondes. Même le temps s’est tordu.

xxsioo sourit et applaudit la démonstration pour rompre ce calme, un sourire en coin.

Les étudiants sont eux encore à l’envers. Cette éternité à duré un instant.

La Jobotahe s’est faite surprendre au début du retroussement. Il lance un hochement de tête à son ami, qui signifie ‘’tu m’as eu‘’ et XeAr lui répond d’un autre sourire ; ‘’un partout‘’.

L’hilarité de xxsioo s’éteint.

Il regarde l’assistance encore étourdie. Autour d’eux, des étudiants flottent encore, hébétés, retournés.

XeAr se penche et aide AgI, il lui tend la main pour ancrer sa réalité. Elle serre fort les deux.

  • C’était… un Anémal? » Demande-t-elle, la voix rauque encore surprise.
  • Vous venez d’assister à un magnifique Anémal. » Confirme indirectement le professeur.

L’assistance commence à se remettre.

xxsioo reprend son cours.

  • Vous voyez la différence ! »

Il continue en s’adressant à la classe, le ton ferme.

  • Chez les p’Aoriiu il faudra beaucoup de travail pour en arriver là. Mais ça n’est pas infaisable.

La preuve ! » En remerciant son ami d’un geste tendre.

Il ajoute sincère ;

  • Il peut faire beaucoup mieux… rivaliser avec des Jobotaa même… » A voix basse et mélancolique.

Un murmure d’admiration parcourut la salle.

XeAr détourna les yeux. Il n’aimait pas ce regard qu’on posait sur lui.

  • Assez d’éloge, il y a d’autres sorciers tout aussi doués, ici même, qui exercent et donnent des cours de qualité. » Ajoute xxsioo d’un ton chaleureux.

Il parcourt du regard la salle, tout le monde est revenu, et attentif.

  • Quand on y regarde de près, c’est élémentaire. » Il insiste.

C’est un enchaînement d’algorithmes d’identités remarquables entrelacées.

Simple, facile, et poétique. Vous devriez y arriver avant la dernière session d’examens ! » Lance-t-il plein d’encouragements.

Le cours reprend son cours, sans bavardages.

XeAr ne regarde plus xxsioo ni la classe. Il se tourne vers AgI.

Elle écoute et boit avec assiduité, tout en observant la salle. Un peu agité, anxieuse ?

Mais Xer est heureux, il aime son regard intéressé, curieuse, elle regarde partout dans l’amphithéâtre.

Finalement il a bien fait de l’accompagner.

Ce sourire vaut bien le désagrément de la « prise d’otage » par son ami et de cette démonstration.

Il n’aime vraiment pas faire étalage de ce côté ‘’il est super doué‘’ ; ça le gêne toujours autant.

Après le cours, xxsioo rejoint son ami dans un sourire d’excuse.

  • Alors, ça valait le coup, ce petit ‘traquenard’ ? » demande xxsioo à XeAr, le ton moqueur.
  • Elle ne cligne même plus des yeux, » répond XeAr en désignant AgI.

Elle est toujours absorbée par la salle, elle scrute tout, le mouvement des étudiants, leurs regards.

  • Et je crois que tu as gagné une nouvelle élève. » Ajoute-il.

L’hémicycle se vide petite à petit… il ne reste plus qu’eux trois.

AgI détendue, un mélange de joie et d’incrédulité rejoint la conversation.

Ils discutent tous les trois de l’intégration d’AgI et xxsioo voyant l’heure du repas qui approcher, le leur fait remarquer.

Chapitre 14

XeAr lance un regard circulaire à l’amphithéâtre. Il est toujours émerveillé par ces salles, par ces professeurs, il aime ça.

Sentant son ami rêveur xxsioo le rappelle doucement à la réalité :

  • Tout le monde est déjà parti… Laisse-t-il en point de suspension et d’ajouter, il faudrait que vous alliez manger. »
  • Et si on allait déjeuner chez mes parents ? Propose XeAr plein d’enthousiasme. Ce n’est pas si loin… Si ils sont là. Ils seront heureux de te revoir, xxsioo. »

AgI, baisse les yeux, un peu gênée se fait petite, tentant de disparaître.

  • Je ne veux pas déranger, » bredouille-t-elle.

xxsioo éclate de rire, un grand geste du bras.

  • Tu viens. Point. »

XeAr approuve comment cela aurait-il pu être autrement  (point exclarrogatif)

Elle bafouille.

XeAr coupe vexé et plein de conviction ;

  • Allons, AgI, c’est évident que tu es de la partie ! »

Sous ce double assaut, elle capitule, rougissante.

Tous trois partent.

L’amphithéâtre est bien silencieux. Ils quittent la salle, glissant dans les courants translucides.

AgI et xxsioo un peu devant laissent XeAr contacter ses parents. Derrière eux ils entendent c’est sa mère répond, ils sont présents tous les deux. XeAr dit qu’il vient déjeuner.

XeAr entend au loin son père qui lance un : « Super ». Plus proche sa mère lui demande :

  • Vous arrivez dans combien de temps ? »
  • Nous serons là d’ici une demi-heure ? » Répond-il joyeux.
  • « nous » ? » Laissant la question flotter.
  • Une amie… et une surprise.

Un rire au loin, la voix grave de son père : « qui ? »

  • C’est une surprise » Répond la voix douce.
  • Ah oui. » Ajoute son père comprenant gaiment le concept de surprise.

Ils se quittent sur un ;

  • A tout de suite, je t’aime. ». Mutuel.

XeAr rejoint son ami et AgI qui ouvraient la marche, ils vont y à la nage.

La journée est belle, illuminée d’une couleur clématite, rose violacé, ça serait bête de ne pas en profiter.

Les reflets jouent sur leur peau, comme un chatoiement vivant.

Tous les trois vont et discutent, des études de chacun. XeAr rappelle à son ami qu’ils doivent voir ensemble certaines choses, faisant allusion à ses recherches. Il glisse discrètement dans la discussion qu’encore ce matin… La conversation serpente.

  • Tu as aimé le cours ? » demande XeAr.

AgI a été ravie d’assister à un cours de thaumaturgie.

  • Dommage qu’on n’en ait pas dans notre programme ». Dit-elle.

Ils discutent comme cela un peu de la spécialité de xxsioo.

Il rit, intarissable, vantant les talents cachés des p’Aoriiu.

  • De vrais dons, je t’assure que beaucoup ont de vrais talent et … »

XeAr sent une vague de chaleur monter.

  • » Coupe-t-il doucement.

La Jobotahe n’insiste pas sur ce terrain.

AgI, sentant que ça met mal à l’aise XeAr, elle glisse sur la démonstration du professeur. D’un regard complice vers ce dernier, elle demande :

  • Pourquoi les salles de cours sont-elles rondes ? »

 

xxsioo est étonné.

  • Simplement à cause de la Réalité. Sous l’eau, nous subissons les lois de la gravité, mais il n’y a pas réellement de haut et de bas. »

Comme pour le prouver, il plonge tête en bas — et continue à parler, comme si de rien n’était.

AgI rit, désorientée. Elle comprend la leçon, il poursuit en souriant.

  • C’est la première attaque : déséquilibrer l’esprit, qu’il ne sache plus où est sa droite ou sa gauche, ni son haut et son bas. »

AgI hoche la tête, fascinée.

  • Et les élèves au plafond ? » Et elle s’empresse de compléter « Essentiellement des Jobotaa. »
  • » confirme xxsioo. « Nous n’avons pas de système cardio-vasculaire et nous sommes plus spontanément enclins à la Magie. C’est devenu une coutume, comme le cercle de « courtoisie » c’est écrit nulle part. » dit-il.
  • Et aucun p’Aoriiu n’y va… en principe. » Ajoute-t-il.

XeAr regarde devant lui (point d’ironie)

AgI demande si parfois des nord’Iës viennent ?

  • fetyW est une grande conférencière et elle donne des cours régulièrement. » Répond XeAr.

xxsioo profite de ça pour lui demander :

  • Pourquoi une lec s’intéresse à la sorcellerie. C’est inutile pour tes cours. Ton cursus est bien assez difficile et chargé. Il est même bien plus ardu que mage ou simple incantateur. »

Mais elle n’a pas trop le temps de répondre.

Ils arrivent déjà en vue de la maison des parents de XeAr, qui fait un signe à son ami.

Ils accélèrent jusqu’à la porte et il laisse la Jobotahe se faire annoncer.

C’est son père qui ouvre dans le contre-jour de l’entrée. Il met une main à ses yeux, la couleur Eden de cette magnifique journée l’a un instant aveuglé.

Il saute littéralement de joie et au cou de xxsioo.

L’étreinte est puissante, sonore, pleine d’éclats de rire.

Sa gorge de ténor annonçant l’arrivée à sa femme au travers des couloirs.

Il invite tout le monde à rentrer. Sa mère apparaît dans l’embrasure, un sourire en coin. L’odeur mentholée ondoie à son arrivée.

AgI se tourne vers elle, les yeux grands ouverts, surprise.

XeAr d’un regard simple la présente et ses parents.

  • H‘ulinl ma mère, Çij,Sivns, mon père. (Prononcer Uulinne et Sir sivens – la virgule faire partie du prénom)
  • Nous sommes heureux de vous connaître. AgI cela vient de frek ga coela kera, les grands

champs des cœlacanthes ? (Prononcer frè ga céla kouéra, cœlacanthe se prononce ‘célacante’)

  • Ouiii répond-elle. Mais ? » Comment a-t-elle su ?
  • Et toi xxsioo comment vas-tu depuis le temps. Tu nous manquais » Dit Çij,Sivns.
  • C’est déjà la nouvelle lune » Ajoute sa mère un regard complice a XeAr. (point d’ironie)

Il rougit. AgI ne comprend pas — mais sent que c’est intime. 

H‘ulinl invite tout ce petit monde à venir dans l’oecus où il a déjà disposé les fauteuils de coraux.

Le père de XeAr va d’un mouvement de hanche chercher de quoi manger.

Ils s’installent.

XeAr propose un siège a AgI.

xxssioo choisi un corail bleu, et lui-même dans une éponge jaune clair.

Ils sont ainsi tous les cinq à moitié affalés à discuter.

La conversation et le repas vont bon train, entre anecdotes et nouvelles.

Comment AgI, imprudente a rencontrée XeAr. xxssioo donnant de ses nouvelles aux parents de XeAr. Ils ne s’étaient pas revus depuis pas mal de temps.

Ils prennent mutuellement des nouvelles des uns et des autres. La conversation roule, fluide.

Vient l’heure du repas et tous se restaurent.

Le repas se passe en toute convivialité en discutant rigolant, bavardant.

Ils restent dans le salon d’hospitalité.

D’un geste Çij,Sivns a rehaussé la table.

Chacun a arrangé son siège afin d’être plus confortablement assis.

H‘ulinl a apporté le début du repas.

XeAr nourris nonchalamment l’éponge celata de son siège avec quelques miettes.

Contente elle chante à sa façon.

AgI qui a vu faire XeAr veut faire pareil quand elle s’aperçoit que son siège est un corail recouvert en cuir de kempi. L’eau diffuse une tiédeur parfumée.

XeAr prend dans un plat un petit mollusque qu’il déguste. Au regard d’AgI elle n’a pas l’air de connaître. Il passe le plat à son ami xxssioo afin de faire circuler.

AgI picore et remet le plat devant elle. La discussion ainsi que le repas vont bon train.

Des souvenirs, des anecdotes. Le repas devient musique, ponctué de rires.

Le temps passe vite.

Et l’heure de rentrer approche.

xxsioo remercie les parents pour cette entrevue, et eux de dire qu’ils sont heureux de l’avoir revu.

Il se passe ainsi plusieurs minutes dans une joute de remerciements.

Tous se dirigent vers le sas de sortie et là : embrassades et aurevoirs.

D’un clin d’œil XeAr met fin à cela avec ses parents, ils se quittent vraiment.

Le sas se ferme, mais on les entendant encore un peu tous les deux discuter sur la soirée et la joie de les voir.

XeAr va rentrer chez lui, il a pas mal de rangement à faire ces temps-ci. Il a plus travaillé qu’autre chose et son garde-manger fait de l’écho.

xxsioo doit y aller, il laisse son ami, mais il se fait tard. Il doit se dépêcher de rentrer, il a encore un cours à donner.

Courtoisie et délicatesse, les deux amis s’embrassent.

AgI salue la Jobotahe et se tourne vers XeAr.

  • Est-ce que tu pourrais me raccompagner un bout de chemin ? » Demande-t-elle.

xxsioo d’un mouvement de hanche s’en va puissamment, il soulève un peu de vase au passage.

XeAr accepte. Ils vont dans la même direction.

  • Nageons un peu, » Propose-t-elle.

Il vérifie l’heure.

  • Allez, jusqu’au sousharroyeur, la station de transport n’est pas loin ! » Ensuite, il devra vraiment y aller.

À un des grands hublots, de la maison des parents de XeAr, une silhouette passe. Une douce lumière béryl et claire ! L’eau a une senteur chaude, sucrée, et profondément boisée, invitant à la l’apaisement et à la sérénité.

AgI et XeAr partent en nageant.

Ils empruntent les rues aux bâtiments bas.

  • Pourquoi les immeubles sont-ils plus petits ici ? » Demande-t-elle. « Je ne suis jamais venue en bordure de la bouche, pas aussi près » Ajoute-t-elle, levant la tête.
  • Pour différentes raisons. » XeAr désigne l’entrée de la cité. « C’est pour laisser entrer des Balainnes spéciales. » chuchote-t-il, comme un secret.
  • C’est-à-dire » Demande AgI curieuse.
  • Pour permettre leur passage, ici mais aussi au cœur de la pangomaji, là où il y a les grands parcs. Les très rares mYsticètes, elles parcourent les eaux, et dans leur migration, parfois elles passent dans la capitale. »

AgI retient son souffle.

  • Ce n’est pas une légende ? »

Il hoche la tête.

  • Mon grand-père a pu assister à la leur montaison. J’ai toujours ses coralaustatues de mYsticètes. Son grand-père lui a raconté qu’elles étaient venues à la cité quand il était enfant. »
  • J’aimerais tant en voir une ! Elles doivent être immenses si la Bouche est faite pour elles ! » Remarque-t-elle soudainement.
  • Ce n’est pas l’unique raison, si tu regardes bien, les habitations ne se trouvent en grande partie sur les bords, au cas où il y aurait un accident. Au centre il n’y a que des bâtiments de stockage et de moindre importance. » En désignant les endroits dont il parle.
  • C’est aussi pour permettre une bonne circulation de l’eau, » Conclu-t-il.
  • C’est cette eau qu’on peut retrouver dans la grotte des tourbillons ? » Toujours curieuse.
  • Dans plusieurs jours, oui, en effet tu as raison. » Approuve-t-il.

Ils sont proche au bord. Ils sentent l’eau légèrement parfumée ainsi que le courant.

AgI frissonne légèrement. XeAr perçoit le changement de température. Il sort de son sac à flanc une surpeau incarnat claire qu’il lui tend.

  • L’eau est un peu plus fraîche ici. » Elle accepte, un sourire de gratitude.

Un banc de petit poisson passe par là.

AgI fini de mettre la surpeau, elle règle la température et d’un regard remercie XeAr.

Le cou tendu, ils regardent l’entrée.

C’est impressionnant.

Ils sont à moins d’un kilomètre.

Vu de l’autre bout, tout au fond, l’entrée parait si petite.

Les yeux levés ils parcourent le plafond.

Quelques lumphars pendent, d’une couleur ivoire apaisante.

  • On continue ? » Demande XeAr en invitant AgI à le faire.

Ils se tournent vers la cité. Les immeubles s’élancent comme à l’orée d’un champ d’algues.

AgI paraît impressionnée par les bâtiments, retraçant l’histoire de leur capitale par l’architecture.

Ils sont tous différents, ressemblants à une algue, un corail, un coquillage, mais toujours immenses.

XeAr et AgI nagent sous la lumière écrue de la mi-journée.

Vient le moment de se séparer, chacun allant de son côté.

L’eau a soudain un goût métallique.

AgI s’immobilise, elle a l’air embarrassée, il essaye de la mettre à l’aise, mais…

Elle veut lui demander quelque chose mais ni arrive visiblement pas.

Ses mains s’agitent, ses ouïes se contractent.

XeAr tente de l’aider comme il peut.

  • J’ai passé un moment agréable. Le repas était très bon. »

AgI saisit cette issue.

  • Oui, ton père cuisine très bien ! Mais ce n’est pas ainsi que je voyais mon invitation. »
  • Ton invitation ? » Demande XeAr, haussant ses fins sourcils.

Elle ouvre ses branchies profondément.

  • Ce repas… ce n’était pas ce que j’avais en tête. Quand je t’ai invité à manger, je pensais… que ce serait moi qui t’emmènerais dîner… »

XeAr se sent un peu piégé mais, il a essayé de l’aider pour qu’elle dise ce qu’elle voulait lui dire.

Il assume et son courage le touche.

AgI continue, lancée ;

  • Tu es libre en fin de soirée ? » Demande-t-elle, audacieuse.

Il l’admire, ça n’a pas l’air facile pour elle. Il y réfléchit une demie seconde, il n’a rien prévu ce soir.

En tout cas pas quelque chose d’important. Et cette invitation à l’air importante pour elle

D’un sourire, avec ses grands yeux pliés il lui répond ;

  • Je serai ravi de finir la soirée avec toi. » Sincèrement heureux de cette journée.

Elle se détend, visiblement heureuse qu’il lui facilite la tâche.

L’eau a de nouveau un goût sucré et floral, avec une pointe anisée.

  • Je rentre chez moi, me préparer et faire quelques bricoles à la maison. Ma journée n’est pas finie et j’ai toujours mes cours de ce maton dans mon sac à flanc. » Enchaine-t-elle pour donner une foule de justifications.

XeAr approuve avec le sérieux le plus rassurant qu’il peut :

  • Moi aussi je n’ai pas fini ma journée et y a deux ou trois trucs que j’aimerais terminer, si tu es d’accord, bien entendu. » Pour aller dans son sens.

Elle hoche la tête, soulagée. 

  • Ce soir, alors. Dis-moi où. » Demande XeAr.

Il n’entend pas le nom, trop compliqué, mais il comprend que c’est dans un quartier chic du centre.

  • … c’est au cœur de la cité parmi les immenses Pilia’Watas. » Fini-t-elle de dire.

Et lui écoute enfin.

  • … tu as l’heure et les coordonnées à ton Kaelen. » Dit-elle joignant son poignet à sa parole.

Ils s’embrassent, dans les bras et partent chacun de leur côté, enfin. L’eau a un parfum sucré agréable.

AgI s’éloigne, légère et va rejoindre la rame qui la mène chez elle.

Elle est calme.

Chapitre 16 +/-1

AgI s’agrippe à la barre courbe quand ça démarre.

La secousse la fait basculer d’un peu, mais elle garde l’équilibre.

Ses doigts s’enfoncent dans le biote tiède de son sac à flanc d’un geste vif, elle sort sa console. Elle pianote quelques instructions — les lumières de l’appareil clignotent en opalin — et la range.

Elle poursuit son trajet, pensive, mais déterminée.

Elle ne se laisse pas bercer par les mouvements de la rame ni par le balancement de la masse d’eau, qui pulse lentement ; elle s’y fond sans s’y abandonner.

Quelques mèches s’échappent de sa grande coiffe et flottent en fins filaments cuivrés, ondulant comme des algues en détresse.

Son regard, fixe, trahit une inquiétude qu’elle refuse de nommer.

L’arrêt approche, une station au centre de la cité.

Les parois de la rame s’illuminent d’un bleu plus clair. AgI inhale profondément, se redresse.

À l’ouverture, elle s’élance d’un mouvement nonchalant — calme en apparence, mais chaque muscle est prêt. Elle ondule peu mais elle avance terriblement vite, rapide comme un flux tendu.

Elle trace ainsi au travers des couloirs du sousharroyeur qui bruisse de vie. Elle fend la foule, évitant avec élégance les passants, sans ralentir. Agi ne leur prête même pas attention

Elle débouche finalement dans un passage plus large, un échange de différentes galeries.

AgI se dirige vers le moins encombré, surmonté d’une inscription brodée de mosaïques mouvantes rouge. L’eau y est plus calme. Son cœur aussi.

Elle parcourt le couloir un moment et arrive à un autre embranchement : trois repartent vers les sousharroyeur, et deux passages sont fermés par d’étranges sas. Elle se dirige vers l’un d’eux.

A son approche une interface J°Fet apparaît. (Prononcer Chset)

AgI ne bronche pas. Le gardien se déploie : une grande méduse rose balais et bleue givrée, immense et majestueuse. Elle plane, puis s’abat.

Elle lance ses longs tentacules hérissés de nématocystes venimeux sur AgI.

Les filaments du nautilon-méduse entourent sa proie, la sondent, cherchent l’intruse… ou l’alliée.

La créature artificielle mais magique, assemblée à partir de matériaux enchantés ; la scrute.

AgI reste immobile sans inquiétude. Elle sent le picotement des cnidocils ensorcelés l’effleurer, des bulles d’échos amortis dans ses branchies.

Une seconde suspendue.

Les tentacules organiques descendent, l’enveloppent totalement.

… puis l’automate disparaît. Le sas s’ouvre sans un bruit.

L’eau n’a aucun parfum, aucun goût.

AgI pénètre à l’intérieur dans la nouvelle galerie.

Après quelques mètres, elle tourne à gauche pour emprunter un acsésseur.

Le périanthe malachite de la cabine s’ouvre en sept tépales dissymétriques et maintenant glauques.

AgI s’y glisse et appuie en entrant sur un bouton qui s’éclaire d’un joli french violet.

Elle s’installe dans une des cinq alvéoles qui s’illumine en réponse.

La loge est rose tendre, remplie des milliers de petits cils polypes.

Les petits tentacules couleur grenadine, grandissent et commencent à l’attraper, l’obligeant à venir se lover tout au fond de l’alvéole. Doucement l’anfractuosité est envahie d’un rose et d’un jaune fauve, chatoyants qui dissimulent presque en entier AgI.

Seul le visage, sa poitrine et un bout de pied dépassent.

Il y a un espace vide au centre de la cabine, flanqué de porte-marchandises.

Un autre p’Aoriiu arrive à ce moment pour monter avec elle.

Il la regarde avec attention, identifie l’étage où elle se rend.

Il hésite, puis recule avec un léger signe.

L’eau vascille.

Les sept tépales se replient, le calice et la corole s’illuminent brièvement d’un halo nacarat intense en se scellant — un soupir, puis tout se fige, la floraille étanche est opaque.

Les polypes resserrent doucement leur étreinte. Ce n’est pas une contrainte, mais une immobilisation délicate, comme un bercement ferme. La cabine frémit.

L’acsésseur démarre d’un bon.

Puis — une présence.

fetyW apparaît sur la plateforme.

Son Eidolon transforme tout : l’acsésseur est nimbée d’une aura jaune béryl.

L’eau s’emplit d’effluves — épicées, de cannelle torréfiée et de miel grillé — relaxantes et chaleureuses.

Les petits polypes continuent de serrer et maintenir AgI doucement mais fermement.

L’acsésseur commence à accélérer.

La pression tire les quelques bouts de vêtements qui n’étaient pas prisonniers vers le bas. L’eau change de couleur, tandis que les minéraux précipitent doucement, vaincus par l’accélération et les G.

AgI sent son sang aller vers le bas, mais les polypes se contractent pour l’en empêcher, la soutenant.

Les pulsations remontent de ses mollets, le long de ses jambes les hanches et le bassin. Le rythme est doux et agréable, la pression délicate.

fetyW, elle, n’est pas affectée. Elle lui sourit, bien au centre de la cabine.

  • Ta journée s’est bien passée ? » demande-t-elle, la voix douce.

AgI hésite.

Les mèches échappées de sa coiffe sont raides comme des filaments cuivrés et pendent comme des algues de métal.

  • Oh oui, merveilleuse, vraiment ⸮ » (point d’ironie) Répond-elle en souriant, elle imprime toutes les intonations possible dans sa voix.

Ses yeux sont vifs.

Elle est entièrement prisonnière au creux du locule.

Elle ne peut pas faire dépasser ni ses doigts ni ses mains. Elle est maintenue à la taille, ouïes prisonnières.

C’est avec toute l’expression de son visage et la tessiture de sa voix qu’elle ajoute ;

  • J’ai rencontré un jeune homme charmant, on a mangé chez ses parents.

Une véritable bénédiction ⸮ » (point d’ironie) Les sons étouffés de ses branchies par les polypes meurent sur les parois de la cabine.

  • Ah, je vois, la journée ‘galante’ ! » fetyW rit.

AgI non.

  • Je rentre me changer et me préparer. Comme tu t’en doutes… » dit-elle avec les points de suspensions.

Et elle les laisse planer un moment au milieu de la cabine.

Puis elle ajoute :

  • Il m’a invité à dîner. Il le regrettera peut-être, mais j’ai accepté. » Dans sa voix il n’y a aucun doute.

Comme pour clore la conversation l’acsésseur s’immobilise.

Net.

AgI est arrivée, elle salue la nord’I d’un sourire (point d’ironie)

fetyW fait disparaître son Eidolon dans une farandole de gais petits points.

L’eau s’adoucit, mais laisse un goût sucré-épicé, chaud et légèrement piquant en fin de bouche, avec une sensation réconfortante.

Puis tout se calme.

Les polypes desserrent lentement leur étreinte, un frisson court le long de sa peau.

Le corps d’AgI, habitué, filtre l’eau sans effort mais ça fait du bien d’avoir les ouïes libérées.

Les tentacules se rétractent.

AgI prend de son distributeur noir et ivoire, trois petites billes. Elle les émiette d’un geste doux en direction de son alvéole. Le biote grenadine, change doucement, absorbant les nutriments avec gratitude pour reprendre sa belle couleur verte céladon. Les sept tépales de la floraille s’ouvrent.

Entièrement libérée AgI sort et croise un jeune p’Aoriiu qui s’arrête pour la laisser passer, dans une sorte de salut formel. Il est vêtu d’un uniforme rosé.

Elle continue son chemin et débouche sur un large patio qui s’ouvre devant elle.

Une vingtaine de mètres en diamètre, au moins autant en hauteur, surmonté d’une coupole translucide.

Trois grandes vitres laissent ruisseler la lumière crue de la ville teintant l’eau d’ambre et de sel.

Au centre, un îlot agrémenté d’algues ondule doucement dans un parfum d’iode.

Et, tout au cœur des algues, une trouée qui donne sur un autre patio en contre bas.

AgI se dirige vers un des balcons à sa droite et fini par arriver devant une floraille d’un beau corail.

Elle sort de son sac à flanc un identifieur et entre.

AgI pénètre dans le sas de quelques mètres. L’eau y est plus calme, plus tiède.

Elle décroche son sac à flanc et le dépose sur le meuble bas — il frémit, reconnaît son poids, et se met à flotter doucement derrière elle.

AgI emplie ses branchies lentement avant d’avancer vers la grande pièce centrale — trente mètres peut-être, vaste et tranquille. Les parois ondulent d’une lueur vermeille.

L’eau a ce goût familier d’iode sucré qui lui rappelle son enfance.

Le hall passé, s’ouvre devant elle, un espace vaguement carré où le plancher central est en contrebas, un lieu de vie baigné de douce lumière.

Il y a des chaises une table, un petit meuble oblong et une étagère suspendue.

En face, la grande baie vitrée lui offre la perspective sur son balcon qui foisonne d’algues : laminaires-spirales, corallines mauves, ochrophyta-d’azur, toutes remuées par le courant.

La coursive, rouge vermeil, ceinture la pièce et la couleur va en se dégradant.

Chaque angle s’ouvre sur un passage dont le sol fond vers une autre couleur.

Dans un mouvement circulaire de gauche à droite il y a — tout de suite à gauche — rose discret, vert tendre au fond avec céruléen et — pour finir tout de suite à sa droite — ambré.

Toutes les florailles des pièces attenantes sont ouvertes, mais AgI distingue les lignes de force prêtes à les sceller.

D’une nage gracile elle passe par-dessus l’oecus et se glisse vers son balcon d’un bleu tendre.

Le vermeil de la coursive se dissout sous ses pieds quand elle atterri de l’autre côté.

Elle effleure la vitre — la chaleur l’apaise.

Elle regarde au-dehors, la lumière s’écoule comme un fil d’or liquide, la cité respire.

Sa résidence est d’un même bleu tendre, une couleur qui s’éclaircit en montant vers les hauteurs.

Agi connait sa chance et le privilège de vivre dans cette belle et magnifique Laminaris Éthéré.

C’est une tour incroyablement fine, souple avec des formes arrondies et doucement esthétiques.

Elle sait que sa structure monte sur près de quatre kilomètres, et elle semble diaphane, presque immatérielle. C’est une simple impression, elle n’est pas du tout translucide.

Cependant AgI aime beaucoup cette étrange sensation de ‘transparence’ donnée par le bleu tendre.

Elle écoute, et un faible son lui parvient à travers la paroi, les flux à chaque vibration qui bruissent.

Ce sont les chants de gravité inversée qui vibrent avec les matériaux nano-tissés.

Ils soutiennent et permette à la tour de flotter, de s’incliner légèrement, comme une laminaire géante.

La charpente, composée d’Algélodie est caressée par les courants, ces légères oscillations produisent la mélodie douce et fluctuante du chant de gravité.

Cette harmonie entre la matière et les champs invisibles donne à l’ensemble sa lumière si homogène.

Elle sourit faiblement, du coin de l’œil, son meuble-automate a subtilement changé de forme.

D’un geste discret mais tendre elle lui demande de ne pas bouger.

AgI s’approche de la baie vitrée, et contemple la cité.

La vue est toujours aussi belle, après une telle journée.

Elle en veut beaucoup à fetyW.

Finalement elle ouvre la baie vitrée.

Elle appuie sur un bouton smalt qui pulse doucement sous son doigt. La floraille s’illumine d’un safre brillant à la jointure du calice et de la corole. Elle s’opacifie doucement en un turquoise marbré et s’ouvre en onze tépales qui se recourbent de part et d’autre.

AgI se laisse porter par le courant sur sa terrasse au milieu de ses algues.

Au passage, elle les caresse d’une main délicate, elle admire son panorama.

Le goût sur sa langue, l’eau a un parfum différent à travers ses branchies, à l’extérieur et à cette altitude.

Elle contemple la cité qu’elle surplombe d’un kilomètres et demi.

Au loin, des bâtiments immenses, le rose doux de l’un, l’ambré d’un autre dont les balcons de jais dessinent la forme d’un animal endormi.

Tout à gauche, elle distingue la silhouette effilée de la tour Cijh-lec.

Sur sa droite, l’espace est plus dépouillé, avec peu d’immeubles.

Ce ne sont plus les immenses Pilia’Watas, de ces bâtiments en bas parvient seulement leurs lumières.

Quelques vaisseaux – des lymantas et Frailugas – laissent de rares traces lumineuses entre les édifices.

Plus rares encore, des mlrao’eao filent à grande vitesse, vêtus de gilets violet clair, prudents.

AgI sourit.

Ces passages en altitude sont réglementés, elle le sait.

Mais elle apprécie la rigueur Mécaniques qui gèrent le trafic.

Laconique elle fait demi-tour pour rentrer, la floraille se referme derrière elle automatiquement.

La lumière aigue-marine sur ses talons, AgI va dans son cabinet de travail, la baie vitrée est scellée.

Ses pieds touchent le sol sur le pas de la pièce, le vermeil se mélange au vert tendre.

Chaque pas laisse une empreinte d’un beau prasin.

Le meuble bas la suit docilement, il se reforme et sort du sac la console d’AgI.

La lumière tamisée du plafond palpite à leur approche et nimbe le plafond de blanc.

En entrant sur sa droite il y a une nouvelle grande baie vitrée, d’un vert sinople opaque celle-là.

La floraille de son bureau reste ouverte, mais le liseré qui marque sa présence a émis une palpitation.

La pièce est envahie.

C’est un chaos ordonné de consoles diverses et d’électronique bizarre, parfois organiques.

Au centre son grand siège ergonomique l’attend, entouré d’interfaces qui flottent comme des méduses endormies, elles frémissent prêtes à travailler.

Le meuble-automate a déjà branché la console sur l’unité plus grande à gauche du bureau monolithique.

Il a également rangé certaines interfaces du sac à flanc, elles ont retrouvé leur support.

Une grande lampe buddleia pend au-dessus du pupitre.

AgI d’un geste du poignet ouvre une undaar : l’image se déploie, brusquement, comme un banc de sardine en fuite. Large fluide, elle flotte au-dessus de son espace de travail.

L’image est apparue nette, claire. Comme si elle avait toujours été là.

Un mince tentacule lumineux la relie au mur : la projection respire.

AgI y jette juste un coup d’œil, histoire de voir que tout se passe correctement.

Elle vérifie ses tâches courantes et diverses choses mais son attention est focalisée sur l’indicateur de stabilité : tout est au vert.

Sa mission est en cours.

AgI vérifie les flux, acquiesce, puis se détourne.

Elle laisse l’interface de deux mètres, suspendue où elle est et revient dans la pièce principale.

De retour dans l’oecus, elle lance, d’un geste de la main, un aquaglyphe discret.

Le sort, prend la forme d’un petit hippocampe lumineux qui fuse vers le mur opposé.

Une nouvelle projection s’éveille, le Kinetex se peint sur l’intégralité du mur.

Elle regarde les messages qui apparaissent, le visage familier d’une p’Aoriiu souriante.

AgI ne met pas le son. En bas de l’image elle lit aussi diverses informations.

Les messages défilent, légers, comme des bulles. Elle feuillète rapidement, décroche un sourire amusé.

D’un seul mouvement des hanches et des épaules elle passe par-dessus la table.

Le sort a déjà disparu.

AgI pianote sur le pupitre qu’elle vient de sortir de sous la peinture du Kinetex.

Le visage d’une belle Jobotaa remplace l’’image précédente.

  • Salut voeirhi ! » s’exclame AgI. (Prononcer fée ril)
  • AgI, je me doutais bien que tu m’appellerais. » Lui répond, son amie en lui rendant son sourire.

AgI demande sans préambule.

  • Peux-tu me réserver deux places pour ce soir, près des Algues-Chantantes ? »

voeirhi sourit.

  • Deux places ? » Sur le mur ses grands yeux d’un mètre s’ouvrent avec expressions.
  • Je n’ai pas le temps de me préparer tout de suite. Tu peux ? »
  • Deux places… Algues-Chantantes, c’est noté ! » voeirhi lui répond sans même jeter un œil à un hypothétique carnet de réservation.

La Jobotaa lance à AgI un regard interrogateur :

  • Il est mignon, au moins ? » Les yeux brillants d’interrogations.
  • Oui il est mignon et très gentil, voeirhi. » Répond AgI un peu lascive.
  • Il sait où il met ses branchies ? » Lâche voeirhi sans détour.
  • Espérons-le. Moi en tout cas je ne sais pas trop ce que je fais… » D’un air un peu pensive.
  • D’accord, je te laisse te changer, laisse-moi son Kaelen, je vous envoie ça. »

Le rire de son amie reste suspendu un instant avant de se dissoudre dans l’eau.

AgI ferme la communication d’un geste, retourne à son bureau.

Elle est pensive.

Entre temps le tentacule de la projection c’était rétracté ; éteint.

D’un regard tendre, elle le réactive, l’undaar éclos brusquement, l’image n’est plus la même.

L’undaar suit les mouvements d’AgI, qui fouille dans ses affaires à travers toute la pièce allant de là à ici. Elle cherche…. et finalement trouves ses préempteurs.

Elle enfile uniquement la main gauche et fait apparaître un clavier translucide à même le bureau.

En un seul mouvement elle se glisse dans l’ergonomie de son siège, assise devant son pupitre.

Du préempteur elle manipule les outils déployés dans son espace de travail.

De l’autre main, AgI tape diverses commandes sur ce qui semble être une « console » système.

Plusieurs connexions s’épanouissent avec fetyW, des interfaces de niveau I°Fet. (Prononcer ifêtent).

Des lignes de lumière coulent entre ses doigts, de sa main droite elle trace un aquaglyphe.

Trois hippocampes s’éparpillent dans la pièce, ils activent d’autres ordinateurs et du matériel Biohec.

L’eau devient bleue et vivante.

Autour d’elle, son Kaelen se déploie — sans lunettes d’interface.

Elle projette sa virtualité directement dans le bureau.

C’est une représentation sommaire, mais AgI préfère cette méthode. Ça l’amuse de projeter le Kaelen par-dessus son mobilier, plutôt que de devoir ‘entrer’ elle-même dans un espace virtuel.

Il s’étend autour d’elle, superposant algues et plantes qui flottent en harmonie avec les meubles réels.

Il y a même des poissons lovés au creux de son bureau, et quelques coraux dissimulées à sa droite.

Des pieuvres virtuelles s’enroulent à ses pieds, elle les chasse d’un geste amusé.

C’est bien moins parfait que si elle devait chausser un écran virtualisant.

Mais elle aime le fait de voir la texture de l’illusion se superposer à la réalité, ce chaos domestique.

C’est imparfait et c’est pas grave.

Une interface C°Fet apparaît avec quelques dossiers.

AgI en prend certains.

Elle crée une table pour pouvoir les étaler.

Sa main droite se transforme de manière indescriptible. Elle perçoit la chaleur des enchantements.

La main mutée lui permet de fouiller parmi les dossiers virtuels étalés sur la table.

Soudain, elle en sort un.

Un gros dossier « plat ». Elle sent le poids de l’information.

D’un mouvement de la main gauche elle lui redonne sa forme.

C’est un beau livre en cuir bleu de denton.

Un frisson parcourt sa peau.

Elle l’ouvre. Les lignes dansantes apparaissent et d’un coup d’œil elle a compris la teneur de l’ouvrage.

  • Hummm décidément… » soupire-t-elle, son visage se crispe.

AgI tisse une flutrine d’algue et glisse le volume dans le voile de bulles pour le protéger des intrusions mentales. Elle rédige dessus une note à l’intention d’eldmI pour les archives.

Enfin elle divise les cellules et en fait une copie pour fetyW.

C°Fet disparaît avec le dossier enfermé dans les deux flutrines.

Quand tout se tait, AgI reste immobile. Le silence palpite doucement contre son corps.

Pensive et inquiète, ce qu’elle vient de lire n’est pas sans conséquences.

Enfin elle replie minutieusement son espace, estompant son Kaelen.

Les poissons s’évaporent. Les algues s’évanouissent. La réalité reprend ses droits.

Elle remet ses préempteurs dans un bel écrin gris rose mountbatten.

De l’auriculaire elle réduit l’undaar, qui va se lover dans le mur.

Elle parcourt la pièce du regard, rêveuse elle s’approche machinalement de l’étagère derrière son bureau.

Elle y a posé des coralaustatues, des Zymos et divers trophées.

AgI regarde la pseudo-tridi d’un Zymos d’elle, enfant.

Elle sourit dans une pièce de nacre et sur l’étagère juste à droite, trois trophées identiques.

Une paire de palmes de corail blanc, enlacées comme des hippocampes amants — souvenirs de ses premières victoires.

Une émotion douce, étrangement douloureuse, la traverse.

Les couples sont plantés dans un socle de marbre incarnat dans lequel est gravé l’édition : les trois trophées d’affilées 821,822 et 823 du 7éme cycle de vie…

Juste avant les 25 ans de cette compétition, elle aurait aimé y participer, célébrer.

Un picotement dans sa nuque.

Au-dessus son regard glisse sur une coralaustatue d’elle enfant, dans sa première tenue d’athlète.

Puis la lumière de l’I°Fet, se déconnectant déloge AgI de ses songes.

Elle exhale lentement. Le calme la gagne. Elle doit se préparer.

AgI tourne la tête sur sa gauche et quitte son bureau d’un mouvement fluide.

Ses bottes brodées de dentelles lactées continuent de laisser sur le sol Vert Tendre des empreintes prasin.

Elle glisse au centre du salon, au-dessus de la table.

De la main gauche, elle dessine l’hydroglyphe d’un petit sortilège à cinq tentacules frétillant.

La créature lumineuse s’élève, puis saute, elle s’échappe, pour planer avant de faire une pirouette.

Elle bondit vers le balcon, vire à gauche, revient dans un virage serré et tourne autour d’AgI avec un éclat malicieux avant de filer. Le sort se dirige finalement vers la pièce du fond à droite en entrant : la couleur ambrée. AgI rit doucement, secoue la tête.

La tension du jour se dissout.

D’un geste vif, elle ôte en riant la surpeau que lui a prêtée XeAr, la matière, fine et incarnat, tombe sur une chaise au centre l’oecus.

Elle finit de se dévêtir, elle laisse choir son ceinturon jaune et les bretelles de son sac à flanc sur le sol.

Ses mains parcourent ses cuissardes. Elle les détache puis les projettent d’un mouvement des jambes.

Les bottes tombent dans un petit bruit étouffé, abandonnées.

Elle retire ensuite ses bas de dentelles lactées qu’elle fait glisser des cuisses dans un geste de roulis.

D’un geste discret, le liseré flavescent s’illumine tout le long son uniforme sombre, il s’ouvre d’un simple effleurement. Elle le retire ainsi facilement, le tissu se détache comme s’il la reconnaissait.

Effeuillée.

Le froid de la pièce vermeil la fait frissonner.

Il ne lui reste qu’un simple boxer et un petit bustier. Elle les retire dans une pirouette amusée.

Elle finit de lancer ses derniers vêtements, le reste rejoint le sol.

AgI est nue, seuls sa coiffe, sa longue tresse et son sourire restent.

Elle ressent un soulagement physique, la liberté de sa propre peau.

Elle se dirige vers le Lustrâme : la pièce ambrée où s’en est allé le sort, il a disparu, mais sa cabine Bainymbiose est prête. Devant la glace, elle s’arrête pour se regarder un peu, nue, l’attente du dîner galant déjà inscrite sur ses traits. Son reflet, l’eau, la lumière : tout semble respirer ensemble.

D’une étagère à gauche du miroir, elle attrape des petites éponges.

Elle efface son maquillage d’étudiante lec, un simple surlignement des yeux, un trait fin aux paupières.

Un soupir.

Elle jette l’éponge dans un petit réceptacle qui l’aspire aussitôt.

L’eau est envahie de parfum d’anis et de bois de gaïac.

Elle défait sa coiffe, mais garde sa longue tresse rousse. Elle l’enroule sur ses épaules.

AgI ouvre et pénètre dans la cabine.

La première floraille se ferme automatiquement dans un halo couleur puce. Puis le sas, la deuxième floraille se ferme dans une aura wisteria, étanche.

Nue elle pianote quelques réglages : l’eau parfumée de frek ga coela kera pour commencer.

L’eau arrive doucement, en de petits jets épars, elle se répand, tiède, fleurie, presque sucrée.

Puis le débit augmente, et ils se dirigent doucement tous dans la même direction.

Ils l’effleurent, se rejoignent, forment un courant léger qui la soulève.

AgI se laisse porter.

Elle tourne lentement, les yeux clos, sa tresse flottante.

Le monde se réduit à la chaleur de l’eau et au battement calme de son cœur.

Ça accélère.

Elle tourne, tourne, sa cabine est assez grande pour qu’elle puisse tendre les bras.

Elle jette sa tête en arrière, genoux pliés elle se laisse entraîner dans le petit tourbillon.

Elle virevolte, chavirée elle se laisse aller.

Le courant diminue après quelques minutes, lentement.

L’eau change, plus salée afin d’évacuer l’eau parfumée, une fois recyclée, la salinité baisse à nouveau.

Le zoosymbiote coule par la trappe, un nuage vert d’étincelles vivantes.

Il se met à l’ouvrage, il glisse sur sa peau, la fait frissonner, s’attarde, la nettoie, la polit.

Le petit nuage parcourt tout son corps, s’y colle le nettoyant et l’illuminant.

Sur sa langue, ses ouïes le long de ses branchies, elle a le goût du zoosymbiote.

Les petites mandibules des maxillaires des poissons nettoyeurs la chatouille délicatement.

AgI flotte dans cette couleur verde anis qui farandole autour elle.

Une fois fini, par un signal mystérieux, tous les organismes du nuage s’élancent comme un seul être dans le refuge de la trappe.

Le zoosymbiote a intégralement disparu. Il ne reste pas même une bactérie.

L’eau devient plus dense, moins salée, le bain d’eau minérale commence.

La teinte vire doucement au jaune flave, AgI aime la sensation de l’eau sulfurée.

AgI saisit une sabelle posée dans niche discrète, une sorte de plumeau aquatique.

La couronne tentaculaire caresse AgI de ses longs filaments doux et soyeux.

Les branchies hypertrophiées du vers sont suffisamment longues pour faire le tour du corps d’AgI.

Totalement emprisonnée, de la pointe de ses seins, jusqu’à sa colonne vertébrale. Elle caresse son corps avec le panache doux et soyeux le long de son cou, sur ses hanches.

La jambe droite, puis la gauche et elle revient sur ses hanches, sa croupe et ses fesses.

La main au-dessus d’elle, AgI distingue la bouche colorée de la sabelle.

D’un mouvement de poignet l’animal rétracte sa couronne, des pieds, le long des mollets, caressant le dos avec sa colonne vertébrale.

AgI frisonne, ses branchies ronronnent doucement.

Les cellules muqueuses et zones ciliées nettoient la peau comme de doux baisers et finissent par remonter le long du cou. Dans des vibrations de lumières reconnaissante de ce repas, le plumeau effleure la main d’AgI et se retire.

Apaisée, elle dépose la sabelle dans la niche où elle l’avait prise. Elle l’échange pour une anémone felina, douce, tiède, presque chatouilleuse.

Elle guide délicatement le dahlia de mer vers son pelvis, les muscles bulbo-spongieux se détendent.

Ses pensées dérivent, euphoriques, ouïes grandes ouvertes.

Le reste de son périnée décontracté, AgI délassée finit l’intimité de sa séance, dans la lenteur tranquille d’un rituel familier.

Un sourire exaltant flotte jusque dans ses branchies.

Elle se sent entièrement purifiée ; plus nette.

De la main gauche elle manipule le programme de la cabine, de la droite elle repose l’anémone.

AgI prend sa brosse spirographe – tentaculaire spiralée – et défait sa tresse.

D’un mouvement ample de la tête, ses cheveux roux frisés envahissent la cabine.

Elle commence doucement à peigner les boucles immenses de sa chevelure. De nombreux filaments colorés se déploient de la brosse pour les démêler, puis les rassembler en petites nattes.

AgI lance un charme : cinq vittatus très mignons apparaissent pour l’aider à finir sa grande tresse.

Chacun des minuscules esprits rayés s’enroulent dans une mèche et dansent avec.

Ensemble, ils créent la chorégraphie d’une jolie illusion ; ils tressent, nattent et s’entrelacent.

Fin du ballet.

Les cinq sorts entremêlés s’écartent enfin, AgI contemple sa magnifique tresse à cinq brins.

C’est fini.

D’un geste affectueux AgI dilue les vittatus, pour faire apparaitre l’heure.

Elle a encore du temps.

Elle change l’eau sulfurée pour la remplacer par une salée et propre.

Le vortex de rinçage envahi la zoOndirielle et fait tournoyer une onde dans toute la cabine.

AgI se laisse faire et suit le mouvement, tenant sa natte à la main. Elle ferme les yeux et murmure.

Après de longues minutes et de nombreux tours, le courant diminue, le bruit s’apaise.

La voix d’AgI apparait doucement, elle récite ses prières-algorithmiques.

Le mantra coule de ses ouïes et imprègne l’eau du Bainymbiose. La voix devient un chant rituel.

Les doigts d’AgI ses mettent à danser en rythme, faisant éclore des sorts chatoyants. Ils envahissent tout l’espace et pénètrent son âme dans des ondoiement multicolores. Ses pieds touchent enfin le sol.

Les prières se replient, les algorithmes se simplifient, les sorts disparaissent en derniers.

AgI ouvre les yeux.

C’est fini. Elle change l’eau et sort de la cabine. Elle est encore enveloppée d’une aura dorée.

D’un mouvement de la poitrine elle revient dans la pièce principale où elle lâche de nouveaux vittatus.

AgI, toujours nue et maintenant purifiée, longe la vitre du balcon son interminable tresse sur ses reins. Les sorts eux récupèrent les affaires pour aller les déposer dans le panier du Lustrâme.

Elle atterrit sur la coursive à mi-chemin entre le vermeil et le céruléen, où ses pieds laisse une belle empreinte bleue. Elle entre dans sa chambre envahie, de la même lumière douce cæruleum et d’eau légèrement plus tiède avec des d’effluves anisées.

Ses affaires, rangées par l’automate, l’attendent déjà sur la petite table, juste sous le grand miroir.

AgI jette un regard à la glace, en bas, un message de voeirhi, ça va, elle a le temps de se préparer.

La réservation est confirmée, ainsi que XeAr ; tout va bien.

La floraille translucide de sa chambre donne sur la bouche de la pangomaji, l’heure a avancé il monte un murmure des courants.

Juste en face de cette vue il y a la couche d’AgI, un mélange de bleu de France et jaune impérial.

Et à l’autre mur de grandes étagères débordant de coiffes, palmes, ceinturons, dentelles — et, au centre une psyché inclinée, comme pour l’observer.

À côté de la table, une grande armoire.

Elle ouvre l’armoire en l’effleurant. La porte se rétracte comme un tentacule qui s’enroule.

À l’intérieur, des robes des longues des amples, des uniformes, des tenues de chasse.

Son regard glisse.

S’arrête.

Elle choisit une grande robe ambre. Elle doit porter l’ambre ce soir : une couleur qui affirme son statut tout en étant flatteuse.

Elle la pose sur la table, bien étendue, pour s’assurer de son choix.

Le tissu ondule doucement, comme une algue au repos. La robe est longue et ses formes douces.

  • Parfaite, pense-t-elle. Innocente. Étudiante. »

Puis elle choisit un sac à flanc en cuir de seiche, mat, presque silencieux.

Près de la couche, elle prend les sous-vêtements qu’il faut pour réhausser, non pas couvrir.

Un bonnet ocre clair de fines dentelles, qu’il paraît uni, pour orner ses seins plus que les soutenir.

Le boxer assorti brodé de la même manière — quand elle l’enfile, le maillage épouse ses courbes en dessinant des spirales sur ses hanches, discrètes en ombre, lumineuses en pleine eau.

Délicats lorsque c’est nécessaire et agréable ailleurs.

Puis elle met le haut, qui souligne lui aussi ses seins et ses ouïes de spirales claires et obscures.

Un dernier regard dans le miroir, l’ensemble, elle et les dentelles fines — presque invisibles, comme une promesse de peau.

Le tissu épouse ses formes, sans les trahir.

Satisfaite, elle se pare ensuite d’une paire de similipeau damas, elle déroule la première le long de sa jambe — fraîche, souple, vivante. La seconde.

Elle va ensuite se choisir, des cuissardes avec de larges broderies en fil d’or pâle. Elles remontent du creux du poplité jusqu’au couturier ; à mi-cuisse.

En plus elles ont de belles palmes extensibles ambre, ça ira très bien avec sa robe.

Elle les déploie — elles frémissent.

  • Très bien. » Dit-elle en les repliant, les yeux brillants.

Bottes c’est fait.

Il lui reste à mettre sa robe, elle ajoutera un bustier avant de partir.

Parfumage, maquillage, préparage.

Elle part en mission.

 

EN COURS !

2025.10.28

J’ai choisi arbitrairement de suspendre les versions V0.1

Lexique : p’Aoriiu jiuuijh

 

mlrao’eao : peut se traduire par « être raisonnés »,
il n’y a pas de singulier, il s’agit « du » genre. Le mot n’a pas plus de majuscule.

(mlrao’ Çì a été aussi rencontré. Si leur sens sont les même il y a, pour l’instant, une subtilité non saisie.)

Se prononce : mi là haut ya

jiuuijh : peut se traduire par « engeance » ou de « peuple », il n’y a pas de pluriel ni de majuscule là non plus, il s’agit d’une racine éthymologique.

Se prononce : dji ü ir , le « jh » étant une sorte de rota .

p’Aoriiu : peut se traduire par « hydroponique » en particulier mais plus génériquement « aquatique ». Etrangement le « p’ » représenterait à lui seul (presque) toute la signification du mot. Ceci est encore inexpliqué. Le mot est toujours accompagné de jiuuijh. Ainsi p’Aoriiu iuuijh pourrait signifier « peuple sous l’eau » ou « hydro-agriculteur » s’agit il d’un genre, est il au pluriel ?
Aucune interprétation quant à la notion de la majuscule au milieu du mot et en son absence au début.

Se prononce : pao + riou , il s’agit d’un « U » à la Japonaise, comme ‘Ryu’.

nord’I : peut se traduire par « ordinateur » tout naturellement, mais encore une fois la position de la majuscule reléguée à la fin du mot et la présence d’une postrophe donne un sens un peu plus étendu que « simple » ordinateur, elles font parties des mlrao’eao.
Attention nord’I donne au pluriel « nord’Iës » changement de genre. Il s’agit de « IL » pour un nord’I et « ELLE » pour des nord’Iës. « un » nord’I mais « une » nord’Iës qui est une entité de tous les individus …

En fait le singulier serait ‘il’ et le pluriel « elle » ‘une unité’ = elle tous / le concept le plus proche serait Ruche-Égrégore
vs UN individu.

Se prononce : nordi , au ‘pseudo-pluriel’ aussi sans accentuer le « s ».

Jobotahe : peut se traduire par « robot ». Le genre est féminin au singulier et masculin au pluriel avec l’orthographe :
Jobotaa. Comme les nord’Iës ils font partis des mlrao’eao. Le changement de genre vers le pluriel s’explique par le fait d’un comportement unique dû à l’effet de groupe.

Se prononce : robota dans les deux cas.

La présence de majuscule influe beaucoup par leur position sur le sens de mot. Les apostrophes aussi apportent une dimension étymologique et historique au mot, mais lui donne surtout une consistance philosophique.

Le point exclarrogatif ‽ (interrobang) — ( point exclarrogatif ) https://fr.wikipedia.org/wiki/Point_exclarrogatif

Le point d’ironie (⸮ ou ؟) — ( point d’ironie ) https://fr.wikipedia.org/wiki/Point_d%27ironie